BOUGAA.COM
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-39%
Le deal à ne pas rater :
Ordinateur portable ASUS Chromebook Vibe CX34 Flip
399 € 649 €
Voir le deal

Archives de Site du jour.

+7
zeppelin
Said O
tiziri
@ zizou
filledebougaa
princesse
Ben
11 participants

Page 19 sur 40 Précédent  1 ... 11 ... 18, 19, 20 ... 29 ... 40  Suivant

Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Dim 04 Avr 2010, 18:20

"L'avantage du coup de foudre, c'est qu'il fait gagner du temps."
[Pierre Doris]
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Dim 04 Avr 2010, 18:18

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow 4 avril 1914 - Marguerite Duras :

Décédée le 3 mars 1996.
Femme de lettres et cinéaste française. Le marin de Gibraltar, L’amant,...
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Ven 02 Avr 2010, 18:38

Le Sapin
Conte d'Andersen


Là-bas, dans la forêt, il y avait un joli sapin. Il était bien placé, il avait du soleil et de l'air ; autour de lui poussaient de plus grands camarades, pins et sapins. Mais lui était si impatient de grandir qu'il ne remarquait ni le soleil ni l'air pur, pas même les enfants de paysans qui passaient en bavardant lorsqu'ils allaient cueillir des fraises ou des framboises.
« Oh ! si j'étais grand comme les autres, soupirait le petit sapin, je pourrais étendre largement ma verdure et, de mon sommet, contempler le vaste monde. Les oiseaux bâtiraient leur nid dans mes branches et, lorsqu'il y aurait du vent, je pourrais me balancer avec grâce comme font ceux qui m'entourent. »
Le soleil ne lui causait aucun plaisir, ni les oiseaux, ni les nuages roses qui, matin et soir, naviguaient dans le ciel au-dessus de sa tête.
L'hiver, lorsque la neige étincelante entourait son pied de sa blancheur, il arrivait souvent qu'un lièvre bondissait, sautait par-dessus le petit arbre - oh ! que c'était agaçant ! Mais, deux hivers ayant passé, quand vint le troisième, le petit arbre était assez grand pour que le lièvre fût obligé de le contourner. Oh ! pousser, pousser, devenir grand et vieux, c'était là, pensait-il, la seule joie au monde.
En automne, les bûcherons venaient et abattaient quelques-uns des plus grands arbres. Cela arrivait chaque année et le jeune sapin, qui avait atteint une bonne taille, tremblait de crainte, car ces arbres magnifiques tombaient à terre dans un fracas de craquements.
Où allaient-ils ? Quel devait être leur sort ?
Au printemps, lorsque arrivèrent l'hirondelle et la cigogne, le sapin leur demanda :
- Savez-vous où on les a conduits ? Les avez-vous rencontrés ?
Les hirondelles n'en savaient rien, mais la cigogne eut l'air de réfléchir, hocha la tête et dit :
- Oui, je crois le savoir, j'ai rencontré beaucoup de navires tout neufs en m'envolant vers l'Egypte, sur ces navires il y avait des maîtres-mâts superbes, j'ose dire que c'étaient eux, ils sentaient le sapin.
- Oh ! si j'étais assez grand pour voler au-dessus de la mer ! Comment est-ce au juste la mer ? A quoi cela ressemble-t-il ?
- Euh ! c'est difficile à expliquer, répondit la cigogne.
Et elle partit.
- Réjouis-toi de ta jeunesse, dirent les rayons du soleil, réjouis-toi de ta fraîcheur, de la jeune vie qui est en toi.
Le vent baisa le jeune arbre, la rosée versa sur lui des larmes, mais il ne les comprit pas.
Quand vint l'époque de Noël, de tout jeunes arbres furent abattus, n'ayant souvent même pas la taille, ni l'âge de notre sapin, lequel, sans trêve ni repos, désirait toujours partir. Ces jeunes arbres étaient toujours les plus beaux, ils conservaient leurs branches, ceux-là, et on les couchait sur les charrettes que les chevaux tiraient hors de la forêt.
- Où vont-ils? demanda le sapin, ils ne sont pas plus grands que moi, il y en avait même un beaucoup plus petit. Pourquoi leur a-t-on laissé leur verdure?
- Nous le savons, nous le savons, gazouillèrent les moineaux. En bas, dans la ville, nous avons regardé à travers les vitres, nous savons où la voiture les conduit. Oh ! ils arrivent au plus grand scintillement, au plus grand honneur que l'on puisse imaginer. A travers les vitres, nous les avons vus, plantés au milieu du salon chauffé et garnis de ravissants objets, pommes dorées, gâteaux de miel, jouets et des centaines de lumières.
- Suis-je destiné à atteindre aussi cette fonction ? dit le sapin tout enthousiasmé. C'est encore bien mieux que de voler au-dessus de la mer. Je me languis ici, que n'est-ce déjà Noël ! Je suis aussi grand et développé que ceux qui ont été emmenés l'année dernière. Je voudrais être déjà sur la charrette et puis dans le salon chauffé, au milieu de ce faste. Et, ensuite ... il arrive sûrement quelque chose d'encore mieux, de plus beau, sinon pourquoi nous décorer ainsi. Cela doit être quelque chose de grandiose et de merveilleux ! Mais quoi ?... Oh ! je m'ennuie ... je languis ...
- Sois heureux d'être avec nous, dirent l'air et la lumière du soleil. Réjouis-toi de ta fraîche et libre jeunesse.
Mais le sapin n'arrivait pas à se réjouir. Il grandissait et grandissait. Hiver comme été, il était vert, d'un beau vert foncé et les gens qui le voyaient s'écriaient : Quel bel arbre !
Avant Noël il fut abattu, le tout premier. La hache trancha d'un coup, dans sa moelle ; il tomba, poussant un grand soupir, il sentit une douleur profonde. Il défaillait et souffrait.
L'arbre ne revint à lui qu'au moment d'être déposé dans la cour avec les autres. Il entendit alors un homme dire :
- Celui-ci est superbe, nous le choisissons.
Alors vinrent deux domestiques en grande tenue qui apportèrent le sapin dans un beau salon. Des portraits ornaient les murs et près du grand poêle de céramique vernie il y avait des vases chinois avec des lions sur leurs couvercles. Plus loin étaient placés des fauteuils à bascule, des canapés de soie, de grandes tables couvertes de livres d'images et de jouets ! pour un argent fou - du moins à ce que disaient les enfants.
Le sapin fut dressé dans un petit tonneau rempli de sable, mais on ne pouvait pas voir que c'était un tonneau parce qu'il était enveloppé d'une étoffe verte et posé sur un grand tapis à fleurs ! Oh ! notre arbre était bien ému ! Qu'allait-il se passer ?
Les domestiques et des jeunes filles commencèrent à le garnir. Ils suspendaient aux branches de petits filets découpés dans des papiers glacés de couleur, dans chaque filet on mettait quelques fondants, des pommes et des noix dorées pendaient aux branches comme si elles y avaient poussé, et plus de cent petites bougies rouges, bleues et blanches étaient fixées sur les branches. Des poupées qui semblaient vivantes - l'arbre n'en avait jamais vu - planaient dans la verdure et tout en haut, au sommet, on mit une étoile clinquante de dorure.
C'était splendide, incomparablement magnifique.
- Ce soir, disaient-ils tous, ce soir ce sera beau.
« Oh ! pensa le sapin, que je voudrais être ici ce soir quand les bougies seront allumées ! Que se passera-t-il alors ? Les arbres de la forêt viendront-ils m'admirer ? Les moineaux me regarderont-ils à travers les vitres ? Vais-je e rester ici, ainsi décoré, l'hiver et l'été ? »
On alluma les lumières. Quel éclat ! Quelle beauté ! Un frémissement parcourut ses branches de sorte qu'une des bougies y mit le feu : une sérieuse flambée.
- Mon Dieu ! crièrent les demoiselles en se dépêchant d'éteindre.
Le pauvre arbre n'osait même plus trembler. Quelle torture ! Il avait si peur de perdre quelqu'une de ses belles parures, il était complètement étourdi dans toute sa gloire ... Alors, la porte s'ouvrit à deux battants, des enfants en foule se précipitèrent comme s'ils allaient renverser le sapin, les grandes personnes les suivaient posément. Les enfants s'arrêtaient - un instant seulement -, puis ils se mettaient à pousser des cris de joie - quel tapage ! - et à danser autour de l'arbre. Ensuite, on commença à cueillir les cadeaux l'un après l'autre.
« Qu'est-ce qu'ils font ? se demandait le sapin. Qu'est-ce qui va se passer ? »
Les bougies brûlèrent jusqu'aux branches, on les éteignait à mesure, puis les enfants eurent la permission de dépouiller l'arbre complètement. Ils se jetèrent sur lui, si fort, que tous les rameaux en craquaient, s'il n'avait été bien attaché au plafond par le ruban qui fixait aussi l'étoile, il aurait été renversé.
Les petits tournoyaient dans le salon avec leurs jouets dans les bras, personne ne faisait plus attention à notre sapin, si ce n'est la vieille bonne d'enfants qui jetait de-ci de-là un coup d'œil entre les branches pour voir si on n'avait pas oublié une figue ou une pomme.
- Une histoire ! une histoire ! criaient les enfants en entraînant vers l'arbre un gros petit homme ventru.
Il s'assit juste sous l'arbre.
- Comme ça, nous sommes dans la verdure et le sapin aura aussi intérêt à nous écouter, mais je ne raconterai qu'une histoire. Voulez-vous celle d'Ivède-Avède ou celle de Dumpe-le-Ballot qui roula en bas des escaliers, mais arriva tout de même à s'asseoir sur un trône et à épouser la princesse ?
L'homme racontait l'histoire de Dumpe-le-Ballot qui tomba du haut des escaliers, gagna tout de même le trône et épousa la princesse. Les enfants battaient des mains. Ils voulaient aussi entendre l'histoire d'Ivède-Avède, mais ils n'en eurent qu'une. Le sapin se tenait coi et écoutait.
« Oui, oui, voilà comment vont les choses dans le monde », pensait-il. Il croyait que l'histoire était vraie, parce que l'homme qui la racontait était élégant.
- Oui, oui, sait-on jamais ! Peut-être tomberai-je aussi du haut des escaliers et épouserai-je une princesse !
Il se réjouissait en songeant que le lendemain il serait de nouveau orné de lumières et de jouets, d'or et de fruits.
Il resta immobile et songeur toute la nuit.
Au matin, un valet et une femme de chambre entrèrent.
- Voilà la fête qui recommence ! pensa l'arbre. Mais ils le traînèrent hors de la pièce, en haut des escaliers, au grenier... et là, dans un coin sombre, où le jour ne parvenait pas, ils l'abandonnèrent.
- Qu'est-ce que cela veut dire ? Que vais-je faire ici ?
Il s'appuya contre le mur, réfléchissant. Et il eut le temps de beaucoup réfléchir, car les jours et les nuits passaient sans qu'il ne vînt personne là-haut et quand, enfin, il vint quelqu'un, ce n'était que pour déposer quelques grandes caisses dans le coin. Elles cachaient l'arbre complètement. L'avait-on donc tout à fait oublié ?
«C'est l'hiver dehors, maintenant, pensait-il. La terre est dure et couverte de neige. On ne pourrait même pas me planter ; c'est sans doute pour cela que je dois rester à l'abri jusqu'au printemps. Comme c'est raisonnable, les hommes sont bons ! Si seulement il ne faisait pas si sombre et si ce n'était si solitaire ! Pas le moindre petit lièvre. C'était gai, là-bas, dans la forêt, quand sur le tapis de neige le lièvre passait en bondissant, oui, même quand il sautait par-dessus moi ; mais, dans ce temps-là, je n'aimais pas ça. Quelle affreuse solitude, ici ! »
« Pip ! pip ! » fit une petite souris en apparaissant au même instant, et une autre la suivait. Elles flairèrent le sapin et furetèrent dans ses branches.
- Il fait terriblement froid , dit la petite souris. Sans quoi on serait bien ici, n'est-ce pas, vieux sapin?
- Je ne suis pas vieux du tout, répondit le sapin. Il en y a beaucoup de bien plus vieux que moi.
- D'où viens-tu donc ? demanda la souris, et qu'est-ce que tu as à raconter ?
Elles étaient horriblement curieuses.
- Parle-nous de l'endroit le plus exquis de la terre. Y as-tu été ? As-tu été dans le garde-manger ?
- Je ne connais pas ça, dit l'arbre, mais je connais la forêt où brille le soleil, où l'oiseau chante.
Et il parla de son enfance. Les petites souris n'avaient jamais rien entendu de semblable. Elles écoutaient de toutes leurs oreilles.
- Tu en as vu des choses ! Comme tu as été heureux !
- Moi ! dit le sapin en songeant à ce que lui-même racontait. Oui, au fond, c'était bien agréable.
Mais, ensuite, il parla du soir de Noël où il avait été garni de gâteaux et de lumières.
- Oh ! dirent encore les petites souris, comme tu as été heureux, vieux sapin.
- Mais je ne suis pas vieux du tout, ce n'est que cet hiver que j'ai quitté ma forêt ; je suis dans mon plus bel âge, on m'a seulement replanté dans un tonneau.
- Comme tu racontes bien, dirent les petites souris.
La nuit suivante, elles amenèrent quatre autres souris pour entendre ce que l'arbre racontait et, à mesure que celui-ci parlait, tout lui revenait plus exactement.
« C'était vraiment de bons moments, pensait-il. Mais ils peuvent revenir, ils peuvent revenir ! Dumpe-le-Ballot est tombé du haut des escaliers, mais il a tout de même eu la princesse ; peut-être en aurai-je une aussi. »
Il se souvenait d'un petit bouleau qui poussait là-bas, dans la forêt, et qui avait été pour lui une véritable petite princesse.
- Qui est Dumpe-le-Ballot ? demandèrent les petites souris.
Alors le sapin raconta toute l'histoire, il se souvenait de chaque mot ; un peu plus, les petites souris grimpaient jusqu'en haut de l'arbre, de plaisir.
La nuit suivante, les souris étaient plus nombreuses encore, et le dimanche il vint même deux rats, mais ils déclarèrent que le conte n'était pas amusant du tout, ce qui fit de la peine aux petites souris ; de ce fait, elles-mêmes l'apprécièrent moins.
- Eh bien , merci, dirent les rats en rentrant chez eux. Les souris finirent par s'en aller aussi, et le sapin soupirait.
- C'était un vrai plaisir d'avoir autour de moi ces petites souris agiles, à écouter ce que je racontais. C'est fini, ça aussi, mais maintenant, je saurai goûter les plaisirs quand on me ressortira. Mais quand ?
Ce fut un matin, des gens arrivèrent et remuèrent tout dans le grenier. Ils déplacèrent les caisses, tirèrent l'arbre en avant. Bien sûr, ils le jetèrent un peu durement à terre, mais un valet le traîna vers l'escalier où le jour éclairait.
«Voilà la vie qui recommence », pensait l'arbre, lorsqu'il sentit l'air frais, le premier rayon de soleil ... et le voilà dans la cour.
Tout se passa si vite ! La cour se prolongeait par un jardin en fleurs. Les roses pendaient fraîches et odorantes par-dessus la petite barrière, les tilleuls étaient fleuris et les hirondelles voletaient en chantant : « Quivit, quivit, mon homme est arrivé ! » Mais ce n'était pas du sapin qu'elles voulaient parler.
- Je vais revivre, se disait-il, enchanté, étendant largement ses branches. Hélas ! elles étaient toutes fanées et jaunies. L'étoile de papier doré était restée fixée à son sommet et brillait au soleil... Dans la cour jouaient quelques enfants joyeux qui, à Noël, avaient dansé autour de l'arbre et s'en étaient réjouis. L'un des plus petits s'élança et arracha l'étoile d'or.
- Regarde ce qui était resté sur cet affreux arbre de Noël, s'écria-t-il en piétinant les branches qui craquaient sous ses souliers.
L'arbre regardait la splendeur des fleurs et la fraîche verdure du jardin puis, enfin, se regarda lui-même. Comme il eût préféré être resté dans son coin sombre au grenier ! Il pensa à sa jeunesse dans la forêt, à la joyeuse fête de Noël, aux petites souris, si heureuses d'entendre l'histoire de Dumpe-le- Ballot.
« Fini ! fini ! Si seulement j'avais su être heureux quand je le pouvais. »
Le valet débita l'arbre en petits morceaux, il en fit tout un grand tas qui flamba joyeusement sous la chaudière. De profonds soupirs s'en échappaient, chaque soupir éclatait. Les enfants qui jouaient au-dehors entrèrent s'asseoir devant le feu et ils criaient : Pif ! Paf ! à chaque craquement, le sapin, lui, songeait à un jour d'été dans la forêt ou à une nuit d'hiver quand les étoiles étincellent. Il pensait au soir de Noël, à Dumpe-le-Ballot, le seul conte qu'il eût jamais entendu et qu'il avait su répéter... et voilà qu'il était consumé ...
Les garçons jouaient dans la cour, le plus jeune portait sur la poitrine l'étoile d'or qui avait orné l'arbre au soir le plus heureux de sa vie. Ce soir était fini, l'arbre était fini, et l'histoire, aussi, finie, finie comme toutes les histoires.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Ven 02 Avr 2010, 18:14

La Bergère et le Ramoneur.


As-tu jamais vu une très vieille armoire de bois noircie par le temps et sculptée de fioritures et de feuillages? Dans un salon, il y en avait une de cette espèce, héritée d'une aïeule, ornée de haut en bas de roses, de tulipes et des plus étranges volutes entremêlées de têtes de cerfs aux grands bois. Au beau milieu de l'armoire se découpait un homme entier, tout à fait grotesque ; on ne pouvait vraiment pas dire qu'il riait, il grimaçait; il avait des pattes de bouc, des cornes sur le front et une longue barbe. Les enfants de la maison l'appelaient le «sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc » .
Evidemment, peu de gens portent un tel titre et il est assez long à prononcer, mais il est rare aussi d'être sculpté sur une armoire.
Quoi qu'il en soit, il était là! Il regardait constamment la table placée sous la glace car sur cette table se tenait une ravissante petite bergère en porcelaine, portant des souliers d'or, une robe coquettement retroussée par une rose rouge, un chapeau doré et sa houlette de bergère. Elle était délicieuse! Tout près d'elle, se tenait un petit ramoneur, noir comme du charbon, lui aussi en porcelaine. Il était aussi propre et soigné que quiconque ; il représentait un ramoneur, voilà tout, mais le fabricant de porcelaine aurait aussi bien pu faire de lui un prince, c'était tout comme.
Il portait tout gentiment son échelle, son visage était rose et blanc comme celui d'une petite fille, ce qui était une erreur, car pour la vraisemblance il aurait pu être un peu noir aussi de visage. On l'avait posé à côté de la bergère, et puisqu'il en était ainsi, ils s'étaient fiancés, ils se convenaient, jeunes tous les deux, de même porcelaine et également fragiles.
Tout près d'eux et bien plus grand, était assis un vieux Chinois en porcelaine qui pouvait hocher de la tête. Il disait qu'il était le grand-père de la petite bergère ; il prétendait même avoir autorité sur elle, c'est pourquoi il inclinait la tête vers le
« sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc» qui avait demandé la main de la bergère.
- Tu auras là, dit le vieux Chinois, un mari qu'on croirait presque fait de bois d'acajou, qui peut te donner un titre ronflant, qui possède toute l'argenterie de l'armoire, sans compter ce qu'il garde dans des cachettes mystérieuses.
- Je ne veux pas du tout aller dans la sombre armoire, protesta la petite bergère, je me suis laissé dire qu'il y avait là-dedans onze femmes en porcelaine!
- Eh bien! tu seras la douzième. Cette nuit, quand la vieille armoire se mettra à craquer, vous vous marierez, aussi vrai que je suis Chinois. Et il s'endormit.
La petite bergère pleurait, elle regardait le ramoneur de porcelaine, le chéri de son cœur.
- Je crois, dit-elle, que je vais te demander de partir avec moi dans le vaste monde. Nous ne pouvons plus rester ici.
- Je veux tout ce que tu veux, répondit-il; partons immédiatement, je pense que mon métier me permettra de te nourrir.
- Je voudrais déjà que nous soyons sains et saufs au bas de la table, dit-elle, je ne serai heureuse que quand nous serons partis.
Il la consola de son mieux et lui montra où elle devait poser son petit pied sur les feuillages sculptés longeant les pieds de la table; son échelle les aida du reste beaucoup.
Mais quand ils furent sur le parquet et qu'ils levèrent les yeux vers l'armoire, ils y virent une terrible agitation. Les cerfs avançaient la tête, dressaient leurs bois et tournaient le cou, le «sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc» bondit et cria :
- Ils se sauvent ! Ils se sauvent !
Effrayés, les jeunes gens sautèrent rapidement dans le tiroir du bas de l'armoire. Il y avait là quatre jeux de cartes incomplets et un petit théâtre de poupées, monté tant bien que mal. On y jouait la comédie, les dames de carreau et de cœur, de trèfle et de pique, assises au premier rang, s'éventaient avec leurs tulipes, les valets se tenaient debout derrière elles et montraient qu'ils avaient une tête en haut et une en bas, comme il sied quand on est une carte à jouer. La comédie racontait l'histoire de deux amoureux qui ne pouvaient pas être l'un à l'autre. La bergère en pleurait, c'était un peu sa propre histoire.
- Je ne peux pas le supporter, dit-elle, sortons de ce tiroir.
Mais dès qu'ils furent à nouveau sur le parquet, levant les yeux vers la table, ils aperçurent le vieux Chinois réveillé qui vacillait de tout son corps. Il s'effondra comme une masse sur le parquet.
- Voilà le vieux Chinois qui arrive, cria la petite bergère, et elle était si contrariée qu'elle tomba sur ses jolis genoux de porcelaine.
- Une idée me vient, dit le ramoneur. Si nous grimpions dans cette grande potiche qui est là dans le coin nous serions couchés sur les roses et la lavande y et pourrions lui jeter du sel dans les yeux quand il approcherait.
- Cela ne va pas, dit la petite. Je sais que le vieux Chinois et la potiche ont été fiancés, il en reste toujours un peu de sympathie. Non, il n'y a rien d'autre à faire pour nous que de nous sauver dans le vaste monde.
- As-tu vraiment le courage de partir avec moi, as-tu réfléchi combien le monde est grand, et que nous ne pourrons jamais revenir ?
- J'y ai pensé, répondit-elle.
Alors, le ramoneur la regarda droit dans les yeux et dit :
- Mon chemin passe par la cheminée, as-tu le courage de grimper avec moi à travers le poêle, d'abord, le foyer, puis le tuyau où il fait nuit noire ? Après le poële, nous devons passer dans la cheminée elle-même ; à partir de là, je m'y entends, nous monterons si haut qu'ils ne pourront pas nous atteindre, et tout en haut, il y a un trou qui ouvre sur le monde.
Il la conduisit à la porte du poêle.
- Oh ! que c'est noir, dit-elle.
Mais elle le suivit à travers le foyer et le tuyau noirs comme la nuit.
- Nous voici dans la cheminée, cria le garçon. Vois, vois, là-haut brille la plus belle étoile.
Et c'était vrai, cette étoile semblait leur indiquer le chemin. Ils grimpaient et rampaient. Quelle affreuse route ! Mais il la soutenait et l'aidait, il lui montrait les bons endroits où appuyer ses fins petits pieds, et ils arrivèrent tout en haut de la cheminée, où ils s'assirent épuisés. Il y avait de quoi.
Au-dessus d'eux, le ciel et toutes ses étoiles, en dessous, les toits de la ville ; ils regardaient au loin, apercevant le monde. Jamais la bergère ne l'aurait imaginé ainsi. Elle appuya sa petite tête sur la poitrine du ramoneur et se mit à sangloter si fort que l'or qui garnissait sa ceinture craquait et tombait en morceaux.
- C'est trop, gémit-elle, je ne peux pas le supporter. Le monde est trop grand. Que ne suis-je encore sur la petite table devant la glace, je ne serai heureuse que lorsque j'y serai retournée. Tu peux bien me ramener à la maison, si tu m'aimes un peu.
Le ramoneur lui parla raison, lui fit souvenir du vieux Chinois, du « sergentmajor- généralcommandantenchefauxpiedsdebouc», mais elle pleurait de plus en plus fort, elle embrassait son petit ramoneur chéri, de sorte qu'il n'y avait rien d'autre à faire que de lui obéir, bien qu'elle eût grand tort.
Alors ils rampèrent de nouveau avec beaucoup de peine pour descendre à travers la cheminée, le tuyau et le foyer ; ce n'était pas du tout agréable. Arrivés dans le poêle sombre, ils prêtèrent l'oreille à ce qui se passait dans le salon. Tout y était silencieux ; alors ils passèrent la tête et... horreur ! Au milieu du parquet gisait le vieux Chinois, tombé en voulant les poursuivre et cassé en trois morceaux ; il n'avait plus de dos et sa tête avait roulé dans un coin. Le sergent-major général se tenait là où il avait toujours été, méditatif.
- C'est affreux, murmura la petite bergère, le vieux grand-père est cassé et c'est de notre faute ; je n'y survivrai pas. Et, de désespoir, elle tordait ses jolies petites mains.
- On peut très bien le requinquer, affirma le ramoneur. Il n'y a qu'à le recoller, ne sois pas si désolée. Si on lui colle le dos et si on lui met une patte de soutien dans la nuque, il sera comme neuf et tout prêt à nous dire de nouveau des choses désagréables.
- Tu crois vraiment ?
Ils regrimpèrent sur la table où ils étaient primitivement.
- Nous voilà bien avancés, dit le ramoneur, nous aurions pu nous éviter le dérangement.
- Pourvu qu'on puisse recoller le grand-père. Crois-tu que cela coûterait très cher ? dit-elle.
La famille fit mettre de la colle sur le dos du Chinois et un lien à son cou, et il fut comme neuf, mais il ne pouvait plus hocher la tête.
- Que vous êtes devenu hautain depuis que vous avez été cassé, dit le «sergent- majorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc ». Il n'y a pas là de quoi être fier. Aurai-je ou n'aurai-pas ma bergère ?
Le ramoneur et la petite bergère jetaient un regard si émouvant vers le vieux Chinois, ils avaient si peur qu'il dise oui de la tête ; mais il ne pouvait plus la remuer. Et comme il lui était très désagréable de raconter à un étranger qu'il était obligé de porter un lien à son cou, les amoureux de porcelaine restèrent l'un près de l'autre, bénissant le pansement du grand-père et cela jusqu'au jour où eux-mêmes furent cassés.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Ven 02 Avr 2010, 10:06

LA REINE DES NEIGES
UN CONTE EN SEPT HISTOIRES
Hans Christian Andersen
PREMIERE HISTOIRE
QUI TRAITE D'UN MIROIR ET DE SES MORCEAUX
Voilà ! Nous commençons. Lorsque nous serons à la fin de l'histoire, nous en saurons plus que maintenant, car c'était un bien méchant sorcier, un des plus mauvais, le «diable» en personne.
Un jour il était de fort bonne humeur : il avait fabriqué un miroir dont la particularité était que le Bien et le Beau en se réfléchissant en lui se réduisaient à presque rien, mais que tout ce qui ne valait rien, tout ce qui était mauvais, apparaissait nettement et empirait encore. Les plus beaux paysages y devenaient des épinards cuits et les plus jolies personnes y semblaient laides à faire peur, ou bien elles se tenaient sur la tête et n'avaient pas de ventre, les visages étaient si déformés qu'ils n'étaient pas reconnaissables, et si l'on avait une tache de rousseur, c'est toute la figure (le nez, la bouche) qui était criblée de son. Le diable trouvait ça très amusant.
Lorsqu'une pensée bonne et pieuse passait dans le cerveau d'un homme, la glace ricanait et le sorcier riait de sa prodigieuse invention.
Tous ceux qui allaient à l'école des sorciers - car il avait créé une école de sorciers - racontaient à la ronde que c'est un miracle qu'il avait accompli là. Pour la première fois, disaient-ils, on voyait comment la terre et les êtres humains sont réellement. Ils couraient de tous côtés avec leur miroir et bientôt il n'y eut pas un pays, pas une personne qui n'eussent été déformés là-dedans.
Alors, ces apprentis sorciers voulurent voler vers le ciel lui-même, pour se moquer aussi des anges et de Notre-Seigneur. Plus ils volaient haut avec le miroir, plus ils ricanaient. C'est à peine s'ils pouvaient le tenir et ils volaient de plus en plus haut, de plus en plus près de Dieu et des anges, alors le miroir se mit à trembler si fort dans leurs mains qu'il leur échappa et tomba dans une chute vertigineuse sur la terre où il se brisa en mille morceaux, que dis-je, en des millions, des milliards de morceaux, et alors, ce miroir devint encore plus dangereux qu'auparavant. Certains morceaux n'étant pas plus grands qu'un grain de sable voltigeaient à travers le monde et si par malheur quelqu'un les recevait dans l'œil, le pauvre accidenté voyait les choses tout de travers ou bien ne voyait que ce qu'il y avait de mauvais en chaque chose, le plus petit morceau du miroir ayant conservé le même pouvoir que le miroir tout entier. Quelques personnes eurent même la malchance qu'un petit éclat leur sautât dans le cœur et, alors, c'était affreux : leur cœur devenait un bloc de glace. D'autres morceaux étaient, au contraire, si grands qu'on les employait pour faire des vitres, et il n'était pas bon dans ce cas de regarder ses amis à travers elles. D'autres petits bouts servirent à faire des lunettes, alors tout allait encore plus mal. Si quelqu'un les mettait pour bien voir et juger d'une chose en toute équité, le Malin riait à s'en faire éclater le ventre, ce qui le chatouillait agréablement.
Mais ce n'était pas fini comme ça. Dans l'air volaient encore quelques parcelles du miroir !
Ecoutez plutôt.
DEUXIEME HISTOIRE
UN PETIT GARÇON ET UNE PETITE FILLE
Dans une grande ville où il y a tant de maisons et tant de monde qu'il ne reste pas assez de place pour que chaque famille puisse avoir son petit jardin, deux enfants pauvres avaient un petit jardin. Ils n'étaient pas frère et sœur, mais s'aimaient autant que s'ils l'avaient été. Leurs parents habitaient juste en face les uns des autres, là où le toit d'une maison touchait presque le toit de l'autre, séparés seulement par les gouttières. Une petite fenêtre s'ouvrait dans chaque maison, il suffisait d'enjamber les gouttières pour passer d'un logement à l'autre. Les familles avaient chacune devant sa fenêtre une grande caisse où poussaient des herbes potagères dont elles se servaient dans la cuisine, et dans chaque caisse poussait aussi un rosier qui se développait admirablement. Un jour, les parents eurent l'idée de placer les caisses en travers des gouttières de sorte qu'elles se rejoignaient presque d'une fenêtre à l'autre et formaient un jardin miniature. Les tiges de pois pendaient autour des caisses et les branches des rosiers grimpaient autour des fenêtres, se penchaient les unes vers les autres, un vrai petit arc de triomphe de verdure et de fleurs. Comme les caisses étaient placées très haut, les enfants savaient qu'ils n'avaient pas le droit d'y grimper seuls, mais on leur permettait souvent d'aller l'un vers l'autre, de s'asseoir chacun sur leur petit tabouret sous les roses, et ils ne jouaient nulle part mieux que là. L'hiver, ce plaisir-là était fini. Les vitres étaient couvertes de givre, mais alors chaque enfant faisait chauffer sur le poêle une pièce de cuivre et la plaçait un instant sur la vitre gelée. Il se formait un petit trou tout rond à travers lequel épiait à chaque fenêtre un petit œil très doux, celui du petit garçon d'un côté, celui de la petite fille de l'autre. Lui s'appelait Kay et elle Gerda.
L'été, ils pouvaient d'un bond venir l'un chez l'autre ; l'hiver il fallait d'abord descendre les nombreux étages d'un côté et les remonter ensuite de l'autre. Dehors, la neige tourbillonnait.
- Ce sont les abeilles blanches qui papillonnent, disait la grand-mère.
- Est-ce qu'elles ont aussi une reine ? demanda le petit garçon.
- Mais bien sûr, dit grand-mère. Elle vole là où les abeilles sont les plus serrées, c'est la plus grande de toutes et elle ne reste jamais sur la terre, elle remonte dans les nuages noirs.
- Nous avons vu ça bien souvent, dirent les enfants.
Et ainsi ils surent que c'était vrai.
- Est-ce que la Reine des Neiges peut entrer ici ? demanda la petite fille.
- Elle n'a qu'à venir, dit le petit garçon, je la mettrai sur le poêle brûlant et elle fondra aussitôt.
Le soir, le petit Kay, à moitié déshabillé, grimpa sur une chaise près de la fenêtre et regarda par le trou d'observation. Quelques flocons de neige tombaient au-dehors et l'un de ceux-ci, le plus grand, atterrit sur le rebord d'une des caisses de fleurs. Ce flocon grandit peu à peu et finit par devenir une dame vêtue du plus fin voile blanc fait de millions de flocons en forme d'étoiles. Elle était belle, si belle, faite de glace aveuglante et scintillante et cependant vivante. Ses yeux étincelaient comme deux étoiles, mais il n'y avait en eux ni calme ni repos. Elle fit vers la fenêtre un signe de la tête et de la main. Le petit garçon, tout effrayé, sauta à bas de la chaise, il lui sembla alors qu'un grand oiseau, au- dehors, passait en plein vol devant la fenêtre.
Le lendemain fut un jour de froid clair, puis vint le dégel et le printemps.
Cet été-là les roses fleurirent magnifiquement, Gerda avait appris un psaume où l'on parlait des roses, cela lui faisait penser à ses propres roses et elle chanta cet air au petit garçon qui lui-même chanta avec elle :
Les roses poussent dans les vallées où l'enfant Jésus vient nous parler.
Les deux enfants se tenaient par la main, ils baisaient les roses, admiraient les clairs rayons du soleil de Dieu et leur parlaient comme si Jésus était là. Quels beaux jours d'été où il était si agréable d'être dehors sous les frais rosiers qui semblaient ne vouloir jamais cesser de donner des fleurs !
Kay et Gerda étaient assis à regarder le livre d'images plein de bêtes et d'oiseaux - l'horloge sonnait cinq heures à la tour de l'église - quand brusquement Kay s'écria :
- Aïe, quelque chose m'a piqué au cœur et une poussière m'est entrée dans l'œil. La petite le prit par le cou, il cligna des yeux, non, on ne voyait rien.
- Je crois que c'est parti, dit-il.
Mais ce ne l'était pas du tout ! C'était un de ces éclats du miroir ensorcelé dont nous nous souvenons, cet affreux miroir qui faisait que tout ce qui était grand et beau, réfléchi en lui, devenait petit et laid, tandis que le mal et le vil, le défaut de la moindre chose prenait une importance et une netteté accrues.
Le pauvre Kay avait aussi reçu un éclat juste dans le cœur qui serait bientôt froid comme un bloc de glace. Il ne sentait aucune douleur, mais le mal était fait.
- Pourquoi pleures-tu ? cria-t-il, tu es laide quand tu pleures, est-ce que je me plains de quelque chose ? Oh! cette rose est dévorée par un ver et regarde celle-là qui pousse tout de travers, au fond ces roses sont très laides.
Il donnait des coups de pied dans la caisse et arrachait les roses.
- Kay, qu'est-ce que tu fais ? cria la petite.
Et lorsqu'il vit son effroi, il arracha encore une rose et rentra vite par sa fenêtre, laissant là la charmante petite Gerda.
Quand par la suite elle apportait le livre d'images, il déclarait qu'il était tout juste bon pour les bébés et si grand-mère gentiment racontait des histoires, il avait toujours à redire, parfois il marchait derrière elle, mettait des lunettes et imitait, à la perfection du reste, sa manière de parler ; les gens en riaient.
Bientôt il commença à parler et à marcher comme tous les gens de sa rue pour se moquer d'eux.
On se mit à dire : « Il est intelligent ce garçon-là ! » Mais c'était la poussière du miroir qu'il avait reçue dans l'œil, l'éclat qui s'était fiché dans son cœur qui étaient la cause de sa transformation et de ce qu'il taquinait la petite Gerda, laquelle l'aimait de toute son âme.
Ses jeux changèrent complètement, ils devinrent beaucoup plus réfléchis. Un jour d'hiver, comme la neige tourbillonnait au-dehors, il apporta une grande loupe, étala sa veste bleue et laissa la neige tomber dessus.
- Regarde dans la loupe, Gerda, dit-il.
Chaque flocon devenait immense et ressemblait à une fleur splendide ou à une étoile à dix côtés.
- Comme c'est curieux, bien plus intéressant qu'une véritable fleur, ici il n'y a aucun défaut, ce seraient des fleurs parfaites - si elles ne fondaient pas.
Peu après Kay arriva portant de gros gants, il avait son traîneau sur le dos, il cria aux oreilles de Gerda :
- J'ai la permission de faire du traîneau sur la grande place où les autres jouent ! Et le voilà parti.
Sur la place, les garçons les plus hardis attachaient souvent leur traîneau à la voiture d'un paysan et se faisaient ainsi traîner un bon bout de chemin. C'était très amusant. Au milieu du jeu ce jour-là arriva un grand traîneau peint en blanc dans lequel était assise une personne enveloppée d'un manteau de fourrure blanc avec un bonnet blanc également. Ce traîneau fit deux fois le tour de la place et Kay put y accrocher rapidement son petit traîneau.
Dans la rue suivante, ils allaient de plus en plus vite. La personne qui conduisait tournait la tète, faisait un signe amical à Kay comme si elle le connaissait. Chaque fois que Kay voulait détacher son petit traîneau, cette personne faisait un signe et Kay ne bougeait plus ; ils furent bientôt aux portes de la ville, les dépassèrent même.
Alors la neige se mit à tomber si fort que le petit garçon ne voyait plus rien devant lui, dans cette course folle, il saisit la corde qui l'attachait au grand traîneau pour se dégager, mais rien n'y fit. Son petit traîneau était solidement fixé et menait un train d'enfer derrière le grand. Alors il se mit à crier très fort mais personne ne l'entendit, la neige le cinglait, le traîneau volait, parfois il faisait un bond comme s'il sautait par-dessus des fossés et des mottes de terre. Kay était épouvanté, il voulait dire sa prière et seule sa table de multiplication lui venait à l'esprit.
Les flocons de neige devenaient de plus en plus grands, à la fin on eût dit de véritables maisons blanches ; le grand traîneau fit un écart puis s'arrêta et la personne qui le conduisait se leva, son manteau et son bonnet n'étaient faits que de neige et elle était une dame si grande et si mince, étincelante : la Reine des Neiges.
- Nous en avons fait du chemin, dit-elle, mais tu es glacé, viens dans ma peau d'ours.
Elle le prit près d'elle dans le grand traîneau, l'enveloppa du manteau. Il semblait à l'enfant tomber dans des gouffres de neige.
- As-tu encore froid ? demanda-t-elle en l'embrassant sur le front.
Son baiser était plus glacé que la glace et lui pénétra jusqu'au cœur déjà à demi glacé. Il crut mourir, un instant seulement, après il se sentit bien, il ne remarquait plus le froid.
«Mon traîneau, n'oublie pas mon traîneau.» C'est la dernière chose dont se souvint le petit garçon.
Le traîneau fut attaché à une poule blanche qui vola derrière eux en le portant sur son dos. La Reine des Neiges posa encore une fois un baiser sur le front de Kay, alors il sombra dans l'oubli total, il avait oublié Gerda, la grand-mère et tout le monde à la maison.
- Tu n'auras pas d'autre baiser, dit-elle, car tu en mourrais.
Kay la regarda. Qu'elle était belle, il ne pouvait s'imaginer visage plus intelligent, plus charmant, elle ne lui semblait plus du tout de glace comme le jour où il l'avait aperçue de la fenêtre et où elle lui avait fait des signes d'amitié ! A ses yeux elle était aujourd'hui la perfection, il n'avait plus du tout peur, il lui raconta qu'il savait calculer de tête, même avec des chiffres décimaux, qu'il connaissait la superficie du pays et le nombre de ses habitants. Elle lui souriait ... Alors il sembla à l'enfant qu'il ne savait au fond que peu de chose et ses yeux s'élevèrent vers l'immensité de l'espace. La reine l'entraînait de plus en plus haut. Ils volèrent par-dessus les forêts et les océans, les jardins et les pays. Au-dessous d'eux le vent glacé sifflait, les loups hurlaient, la neige étincelait, les corbeaux croassaient, mais tout en haut brillait la lune, si grande et si claire. Au matin, il dormait aux pieds de la Reine des Neiges.
TROISIEME HISTOIRE
LE JARDIN DE LA MAGICIENNE

Mais que disait la petite Gerda, maintenant que Kay n'était plus là ? Où était-il ? Personne ne le savait, personne ne pouvait expliquer sa disparition. Les garçons savaient seulement qu'ils l'avaient vu attacher son petit traîneau à un autre, très grand, qui avait tourné dans la rue et était sorti de la ville. Nul ne savait où il était, on versa des larmes, la petite Gerda pleura beaucoup et longtemps, ensuite on dit qu'il était mort, qu'il était tombé dans la rivière coulant près de la ville. Les jours de cet hiver-là furent longs et sombres.
Enfin vint le printemps et le soleil.
- Kay est mort et disparu, disait la petite Gerda.
- Nous ne le croyons pas, répondaient les rayons du soleil.
- Il est mort et disparu, dit-elle aux hirondelles.
- Nous ne le croyons pas, répondaient-elles.
A la fin la petite Gerda ne le croyait pas non plus.
- Je vais mettre mes nouveaux souliers rouges, dit-elle un matin, ceux que Kay n'a jamais vus et je vais aller jusqu'à la rivière l'interroger.
Il était de bonne heure, elle embrassa sa grand-mère qui dormait, mit ses souliers rouges et toute seule sortit par la porte de la ville, vers le fleuve.
- Est-il vrai que tu m'as pris mon petit camarade de jeu ? Je te ferai cadeau de mes souliers rouges si tu me le rends.
Il lui sembla que les vagues lui faisaient signe, alors elle enleva ses souliers rouges, ceux auxquels elle tenait le plus, et les jeta tous les deux dans l'eau, mais ils tombèrent tout près du bord et les vagues les repoussèrent tout de suite vers elle, comme si la rivière ne voulait pas les accepter, puisqu'elle n'avait pas pris le petit Kay. Gerda crut qu'elle n'avait pas lancé les souliers assez loin, alors elle grimpa dans un bateau qui était là entre les roseaux, elle alla jusqu'au bout du bateau et jeta de nouveau ses souliers dans l'eau. Par malheur le bateau n'était pas attaché et dans le mouvement qu'elle fit il s'éloigna de la rive, elle s'en aperçut aussitôt et voulut retourner à terre, mais avant qu'elle n'y eût réussi, il était déjà loin sur l'eau et il s'éloignait de plus en plus vite.
Alors la petite Gerda fut prise d'une grande frayeur et se mit à pleurer, mais personne ne pouvait l'entendre, excepté les moineaux, et ils ne pouvaient pas la porter, ils volaient seulement le long de la rive, en chantant comme pour la consoler : " Nous voici ! Nous voici ! " Le bateau s'en allait à la dérive, la pauvre petite était là tout immobile sur ses bas, les petits souliers rouges flottaient derrière mais ne pouvaient atteindre la barque qui allait plus vite.
« Peut-être la rivière va-t-elle m'emporter auprès de Kay », pensa Gerda en reprenant courage. Elle se leva et durant des heures admira la beauté des rives verdoyantes. Elle arriva ainsi à un grand champ de cerisiers où se trouvait une petite maison avec de drôles de fenêtres rouges et bleues et un toit de chaume. Devant elle, deux soldats de bois présentaient les armes à ceux qui passaient. Gerda les appela croyant qu'ils étaient vivants, mais naturellement ils ne répondirent pas, elle les approcha de tout près et le flot poussa la barque droit vers la terre.
Gerda appela encore plus fort, alors sortit de la maison une vieille, vieille femme qui s'appuyait sur un bâton à crochet, elle portait un grand chapeau de soleil orné de ravissantes fleurs peintes.
- Pauvre petite enfant, dit la vieille, comment es-tu venue sur ce fort courant qui t'emporte loin dans le vaste monde ?
La vieille femme entra dans l'eau, accrocha le bateau avec le crochet de son bâton, le tira à la rive et en fit sortir la petite fille.
Gerda était bien contente de toucher le sol sec mais un peu effrayée par cette vieille femme inconnue.
- Viens me raconter qui tu es et comment tu es ici, disait-elle.
La petite lui expliqua tout et la vieille branlait la tête en faisant Hm ! Hm ! et comme Gerda, lui ayant tout dit, lui demandait si elle n'avait pas vu le petit Kay, la femme lui répondit qu'il n'avait pas passé encore, mais qu'il allait sans doute venir, qu'il ne fallait en tout cas pas qu'elle s'en attriste mais qu'elle entre goûter ses confitures de cerises, admirer ses fleurs plus belles que celles d'un livre d'images ; chacune d'elles savait raconter une histoire.
Alors elle prit Gerda par la main et elles entrèrent dans la petite maison dont la vieille femme ferma la porte.
Les fenêtres étaient situées très haut et les vitres en étaient rouges, bleues et jaunes, la lumière du jour y prenait des teintes étranges mais sur la table il y avait de délicieuses cerises, Gerda en mangea autant qu'il lui plut. Tandis qu'elle mangeait, la vieille peignait sa chevelure avec un peigne d'or et ses cheveux blonds bouclaient et brillaient autour de son aimable petit visage, tout rond, semblable à une rose.
- J'avais tant envie d'avoir une si jolie petite fille, dit la vieille, tu vas voir comme nous allons bien nous entendre !
A mesure qu'elle peignait les cheveux de Gerda, la petite oubliait de plus en plus son camarade de jeu, car la vieille était une magicienne, mais pas une méchante sorcière, elle s'occupait un peu de magie, comme ça, seulement pour son plaisir personnel et elle avait très envie de garder la petite fille auprès d'elle.
C'est pourquoi elle sortit dans le jardin, tendit sa canne à crochet vers tous les rosiers et, quoique chargés des fleurs les plus ravissantes, ils disparurent dans la terre noire, on ne voyait même plus où ils avaient été. La vieille femme avait peur que Gerda, en voyant les roses, ne vint à se souvenir de son rosier à elle, de son petit camarade Kay et qu'elle ne s'enfuie.
Ensuite, elle conduisit Gerda dans le jardin fleuri. Oh ! quel parfum délicieux ! Toutes les fleurs et les fleurs de toutes les saisons étaient là dans leur plus belle floraison, nul livre d'images n'aurait pu être plus varié et plus beau. Gerda sauta de plaisir et joua jusqu'au moment où le soleil descendit derrière les grands cerisiers. Alors on la mit dans un lit délicieux garni d'édredons de soie rouge bourrés de violettes bleues, et elle dormit et rêva comme une princesse au jour de ses noces.
Le lendemain elle joua encore parmi les fleurs, dans le soleil - et les jours passèrent. Gerda connaissait toutes les fleurs par leur nom, il y en avait tant et tant et cependant il lui semblait qu'il en manquait une, laquelle ? Elle ne le savait pas.
Un jour elle était là, assise, et regardait le chapeau de soleil de la vieille femme avec les fleurs peintes où justement la plus belle fleur était une rose. La sorcière avait tout à fait oublié de la faire disparaître de son chapeau en même temps qu'elle faisait descendre dans la terre les vraies roses . On ne pense jamais à tout !
- Comment, s'écria Gerda, il n'y pas une seule rose ici ? Elle sauta au milieu de tous les parterres, chercha et chercha, mais n'en trouva aucune. Alors elle s'assit sur le sol et pleura, mais ses chaudes larmes tombèrent précisément à un endroit où un rosier s'était enfoncé, et lorsque les larmes mouillèrent la terre, l'arbre reparut soudain plus magnifiquement fleuri qu'auparavant. Gerda l'entoura de ses bras et pensa tout d'un coup à ses propres roses de chez elle et à son petit ami Kay.
- Oh comme on m'a retardée, dit la petite fille. Et je devais chercher Kay ! Ne savez-vous pas où il est ? demanda-t-elle aux roses. Croyez-vous vraiment qu'il soit mort et disparu ?
- Non, il n'est pas mort, répondirent les roses, nous avons été sous la terre, tous les morts y sont et Kay n'y était pas !
- Merci, merci à vous, dit Gerda allant vers les autres fleurs. Elle regarda dans leur calice en demandant :
- Ne savez-vous pas où se trouve le petit Kay ?
Mais chaque fleur debout au soleil rêvait sa propre histoire, Gerda en entendit tant et tant, aucune ne parlait de Kay.
Mais que disait donc le lis rouge ?
- Entends-tu le tambour : Boum ! boum ! deux notes seulement, boum ! boum ! écoute le chant de deuil des femmes, l'appel du prêtre. Dans son long sari rouge, la femme hindoue est debout sur le bûcher, les flammes montent autour d'elle et de son époux défunt, mais la femme hindoue pense à l'homme qui est vivant dans la foule autour d'elle, à celui dont les yeux brûlent, plus ardents que les flammes, celui dont le regard touche son cœur plus que cet incendie qui bientôt réduira son corps en cendres. La flamme du cœur peut-elle mourir dans les flammes du bûcher ?
- Je n'y comprends rien du tout, dit la petite Gerda.
- C'est là mon histoire, dit le lis rouge.
Et que disait le liseron ?
- Là-bas, au bout de l'étroit sentier de montagne est suspendu un vieux castel, le lierre épais pousse sur les murs rongés, feuille contre feuille, jusqu'au balcon où se tient une ravissante jeune fille. Elle se penche sur la balustrade et regarde au loin sur le chemin. Aucune rose dans le branchage n'est plus fraîche que cette jeune fille, aucune fleur de pommier que le vent arrache à l'arbre et emporte au loin n'est plus légère. Dans le froufrou de sa robe de soie, elle s'agite : «Ne vient-il pas ?».
- Est-ce de Kay que tu parles ? demanda Gerda.
- Je ne parle que de ma propre histoire, de mon rêve, répondit le liseron.
Mais que dit le petit perce-neige ?
- Dans les arbres, cette longue planche suspendue par deux cordes, c'est une balançoire. Deux délicieuses petites filles - les robes sont blanches, de longs rubans verts flottent à leurs chapeaux - y sont assises et se balancent. Le frère, plus grand qu'elles, se met debout sur la balançoire, il passe un bras autour de la corde pour se tenir, il tient d'une main une petite coupe, de l'autre une pipe d'écume et il fait des bulles de savon. La balançoire va et vient, les bulles de savon aux teintes irisées s'envolent, la dernière tient encore à la pipe et se penche dans la brise. La balançoire va et vient. Le petit chien noir aussi léger que les bulles de savon se dresse sur ses pattes de derrière et veut aussi monter, mais la balançoire vole, le chien tombe, il aboie, il est furieux, on rit de lui, les bulles éclatent. Voilà ! une planche qui se balance, une écume qui se brise, voilà ma chanson ...
- C'est peut-être très joli ce que tu dis là, mais tu le dis tristement et tu ne parles pas de Kay.
Que dit la jacinthe ?
- Il y avait trois sœurs délicieuses, transparentes et délicates, la robe de la première était rouge, celle de la seconde bleue, celle de la troisième toute blanche. Elles dansaient en se tenant par la main près du lac si calme, au clair de lune. Elles n'étaient pas filles des elfes mais bien enfants des hommes. L'air embaumait d'un exquis parfum, les jeunes filles disparurent dans la forêt. Le parfum devenait de plus en plus fort - trois cercueils où étaient couchées les ravissantes filles glissaient d'un fourré de la forêt dans le lac, les vers luisants volaient autour comme de petites lumières flottantes. Dormaient-elles ces belles filles ? Etaient-elles mortes ? Le parfum des fleurs dit qu'elles sont mortes, les cloches sonnent pour les défuntes.
- Tu me rends malheureuse, dit la petite Gerda. Tu as un si fort parfum, qui me fait penser à ces pauvres filles. Hélas ! le petit Kay est-il vraiment mort ? Les roses qui ont été sous la terre me disent que non.
- Ding ! Dong ! sonnèrent les clochettes des jacinthes. Nous ne sonnons pas pour le petit Kay, nous ne le connaissons pas. Nous chantons notre chanson, c'est la seule que nous sachions.
Gerda se tourna alors vers le bouton d'or qui brillait parmi les feuilles vertes, luisant.
- Tu es un vrai petit soleil ! lui dit Gerda. Dis-moi si tu sais où je trouverai mon camarade de jeu ?
Le bouton d'or brillait tant qu'il pouvait et regardait aussi la petite fille. Mais quelle chanson savait-il ? On n'y parlait pas non plus de Kay :
- Dans une petite ferme, le soleil brillait au premier jour du printemps, ses rayons frappaient le bas du mur blanc du voisin, et tout près poussaient les premières fleurs jaunes, or lumineux dans ces chauds rayons. Grand-mère était assise dehors dans son fauteuil, sa petite fille, la pauvre et jolie servante rentrait d'une courte visite, elle embrassa la grand-mère. Il y avait de l'or du cœur dans ce baiser béni. De l'or sur les lèvres, de l'or au fond de l'être, de l'or dans les claires heures du matin. Voilà ma petite histoire, dit le bouton d'or.
- Ma pauvre vieille grand-mère, soupira Gerda. Elle me regrette sûrement et elle s'inquiète comme elle s'inquiétait pour Kay. Mais je rentrerai bientôt et je ramènerai Kay. Cela ne sert à rien que j'interroge les fleurs, elles ne connaissent que leur propre chanson, elles ne savent pas me renseigner.
Elle retroussa sa petite robe pour pouvoir courir plus vite, mais le narcisse lui fit un croc-en-jambe au moment où elle sautait par-dessus lui. Alors elle s'arrêta, regarda la haute fleur et demanda :
- Sais-tu par hasard quelque chose ?
Elle se pencha très bas pour être près de lui. Et que dit-il ?
- Je me vois moi- même, je me vois moi-même ! Oh! Oh! quel parfum je répands ! Là-haut dans la mansarde, à demi vêtue, se tient une petite danseuse, tantôt sur une jambe, tantôt sur les deux, elle envoie promener le monde entier de son pied, au fond elle n'est qu'une illusion visuelle, pure imagination. Elle verse l'eau de la théière sur un morceau d'étoffe qu'elle tient à la main, c'est son corselet - la propreté est une bonne chose - la robe blanche est suspendue à la patère, elle a aussi été lavée dans la théière et séchée sur le toit. Elle met la robe et un fichu jaune safran autour du cou pour que la robe paraisse plus blanche. La jambe en l'air ! dressée sur une longue tige, c'est moi, je me vois moi-même.
- Mais je m'en moque, cria Gerda, pourquoi me raconter cela ?
Elle courut au bout du jardin. La porte était fermée, mais elle remua la charnière rouillée qui céda, la porte s'ouvrit. Alors la petite Gerda, sans chaussures, s'élança sur ses bas dans le monde.
Elle se retourna trois fois, mais personne ne la suivait ; à la fin, lasse de courir, elle s'assit sur une grande pierre. Lorsqu'elle regarda autour d'elle, elle vit que l'été était passé, on était très avancé dans l'automne, ce qu'on ne remarquait pas du tout dans le jardin enchanté où il y avait toujours du soleil et toutes les fleurs de toutes les saisons.
- Mon Dieu que j'ai perdu de temps ! s'écria la petite Gerda. Voilà que nous sommes en automne, je n'ai pas le droit de me reposer.
Elle se leva et repartit.
Comme ses petits pieds étaient endoloris et fatigués ! Autour d'elle tout était froid et hostile, les longues feuilles du saule étaient toutes jaunes et le brouillard s'égouttait d'elles, une feuille après l'autre tombait à terre, seul le prunellier avait des fruits âcres à vous en resserrer toutes les gencives. Oh ! que tout était gris et lourd dans le vaste monde !
QUATRIEME HISTOIRE
PRINCE ET PRINCESSE

Encore une fois, Gerda dut se reposer, elle s'assit. Alors sur la neige une corneille sautilla auprès d'elle, une grande corneille qui la regardait depuis un bon moment en secouant la tête. Elle fit Kra ! Kra ! bonjour, bonjour. Elle ne savait dire mieux, mais avait d'excellentes intentions. Elle demanda à la petite fille où elle allait ainsi, toute seule, à travers le monde.
Le mot seule, Gerda le comprit fort bien, elle sentait mieux que quiconque tout ce qu'il pouvait contenir, elle raconta toute sa vie à la corneille et lui demanda si elle n'avait pas vu Kay.
La corneille hochait la tête et semblait réfléchir.
- Mais, peut-être bien, ça se peut ...
- Vraiment ! tu le crois ? cria la petite fille.
Elle aurait presque tué la corneille tant elle l'embrassait.
- Doucement, doucement, fit la corneille. Je crois que ce pourrait bien être Kay, mais il t'a sans doute oubliée pour la princesse.
- Est-ce qu'il habite chez une princesse ? demanda Gerda.
- Oui, écoute, mais je m'exprime si mal dans ta langue. Si tu comprenais le parler des corneilles, ce me serait plus facile.
- Non, ça je ne l'ai pas appris, dit Gerda, mais grand-mère le savait, elle savait tout. Si seulement je l'avais appris !
- Ça ne fait rien, je raconterai comme je pourrai, très mal sûrement.
Et elle se mit à raconter.
Dans ce royaume où nous sommes, habite une princesse d'une intelligence extraordinaire.
L'autre jour qu'elle était assise sur le trône - ce n'est pas si amusant d'après ce qu'on dit - elle se mit à fredonner «Pourquoi ne pas me marier ?»
- Tiens, ça me donne une idée ! s'écria-t-elle. Et elle eut envie de se marier, mais elle voulait un mari capable de répondre avec esprit quand on lui parlait de toutes choses.
- Chaque mot que je dis est la pure vérité, interrompit la corneille. J'ai une fiancée qui est apprivoisée et se promène librement dans le château, c'est elle qui m'a tout raconté.
Sa fiancée était naturellement aussi une corneille, car une corneille mâle cherche toujours une fiancée de son espèce.
Tout de suite les journaux parurent avec une bordure de cœurs et l'initiale de la princesse. On y lisait que tout jeune homme de bonne apparence pouvait monter au château et parler à la princesse, et celui qui parlerait de façon que l'on comprenne tout de suite qu'il était bien à sa place dans un château, que celui enfin qui parlerait le mieux, la princesse le prendrait pour époux.
- Oui ! oui ! tu peux m'en croire, c'est aussi vrai que me voilà, dit la corneille, les gens accouraient, quelle foule, quelle presse, mais sans succès le premier, ni le second jour. Ils parlaient tous très facilement dans la rue, mais quand ils avaient dépassé les grilles du palais, vu les gardes en uniforme brodé d'argent, les laquais en livrée d'or sur les escaliers et les grands salons illuminés, ils étaient tout déconcertés, ils se tenaient devant le trône où la princesse était assise et ne savaient que dire sinon répéter le dernier mot qu'elle avait prononcé, et ça elle ne se souciait nullement de l'entendre répéter. On aurait dit que tous ces prétendants étaient tombés en léthargie - jusqu'à ce qu'ils se retrouvent dehors, dans la rue, alors ils retrouvaient la parole. Il y avait queue depuis les portes de la ville jusqu'au château, affirma la corneille. Quand ils arrivaient au château, on ne leur offrait même pas un verre d'eau.
Les plus avisés avaient bien apporté des tartines mais ils ne partageaient pas avec leurs voisins, ils pensaient :
«S'il a l'air affamé, la princesse ne le prendra pas. »
- Mais Kay, mon petit Kay,quand m'en parleras-tu ? Etait-il parmi tous ces gens-là? - Patience ! patience ! nous y sommes. Le troisième jour arriva un petit personnage sans cheval ni voiture, il monta d'un pas décidé jusqu'au château, ses yeux brillaient comme les tiens, il avait de beaux cheveux longs, mais ses vêtements étaient bien pauvres.
- C'était Kay, jubila Gerda. Enfin je l'ai trouvé.
Et elle battit des mains.
- Il avait un petit sac sur le dos, dit la corneille.
- Non, c'était sûrement son traîneau, dit Gerda, il était parti avec.
- Possible, répondit la corneille, je n'y ai pas regardé de si près, mais ma fiancée apprivoisée m'a dit que lorsqu'il entra par le grand portail, qu'il vit les gardes en uniforme brodé d'argent, les laquais des escaliers vêtus d'or, il ne fut pas du tout intimidé, il les salua, disant :
- Comme ce doit être ennuyeux de rester sur l'escalier, j'aime mieux entrer. Les salons étaient brillamment illuminés, les Conseillers particuliers et les Excellences marchaient pieds nus et portaient des plats en or, c'était quelque chose de très imposant. Il avait des souliers qui craquaient très fort, mais il ne se laissa pas impressionner.
- C'est sûrement Kay, dit Gerda, je sais qu'il avait des souliers neufs et je les entendais craquer dans la chambre de grand-maman.
Mais plein d'assurance, il s'avança jusque devant la princesse qui était assise sur une perle grande comme une roue de rouet.
Toutes les dames de la cour avec leurs servantes et les servantes de leurs servantes, et tous les chevaliers avec leurs serviteurs et les serviteurs de leurs serviteurs qui eux-mêmes avaient droit à un petit valet, se tenaient debout tout autour et plus ils étaient près de la porte, plus ils avaient l'air fier. Le valet du domestique du premier serviteur qui se promène toujours en pantoufles, on ose à peine le regarder tellement il a l'air fier debout devant la porte.
- Mais est-ce que Kay a tout de même eu la princesse ?
- Si je n'étais pas corneille, je l'aurais prise. Il était décidé et charmant, il n'était pas venu en prétendant mais seulement pour juger de l'intelligence de la princesse et il la trouva remarquable ... et elle le trouva très bien aussi.
- C'était lui, c'était Kay, s'écria Gerda, il était si intelligent, il savait calculer de tête même avec les chiffres décimaux. Oh ! conduis-moi au château ...
- C'est vite dit, répartit la corneille, mais comment ? J'en parlerai à ma fiancée apprivoisée, elle saura nous conseiller car il faut bien que je te dise qu'une petite fille comme toi ne peut pas entrer là régulièrement.
- Si, j'irai, dit Gerda. Quand Kay entendra que je suis là il sortira tout de suite pour venir me chercher.
- Attends-moi là près de l'escalier.
Elle secoua la tête et s'envola.
Il faisait nuit lorsque la corneille revint.
- Kra ! Kra ! fit-elle. Ma fiancée te fait dire mille choses et voici pour toi un petit pain qu'elle a pris à la cuisine. Ils ont assez de pain là-dedans et tu dois avoir faim. Il est impossible que tu entres au château - tu n'as pas de chaussures - les gardes en argent et les laquais en or ne le permettraient pas, mais ne pleure pas, tu vas tout de même y aller. Ma fiancée connaît un petit escalier dérobé qui conduit à la chambre à coucher et elle sait où elle peut en prendre la clé.
Alors la corneille et Gerda s'en allèrent dans le jardin, dans les grandes allées où les feuilles tombaient l'une après l'autre, puis au château où les lumières s'éteignaient l'une après l'autre et la corneille conduisit Gerda jusqu'à une petite porte de derrière qui était entrebâillée.
Oh ! comme le cœur de Gerda battait d'inquiétude et de désir, comme si elle faisait quelque chose de mal, et pourtant elle voulait seulement savoir s'il s'agissait bien de Kay - oui, ce ne pouvait être que lui, elle pensait si intensément à ses yeux intelligents, à ses longs cheveux, elle le voyait vraiment sourire comme lorsqu'ils étaient à la maison sous les roses. Il serait sûrement content de la voir, de savoir quel long chemin elle avait fait pour le trouver.
Les voilà dans l'escalier où brûlait une petite lampe sur un buffet ; au milieu du parquet se tenait la corneille apprivoisée qui tournait la tête de tous les côtés et considérait Gerda, laquelle fit une révérence comme grand-mère le lui avait appris.
- Mon fiancé m'a dit tant de bien de vous, ma petite demoiselle, dit la corneille apprivoisée, du reste votre curriculum vitae, comme on dit, est si touchant. Voulez-vous tenir la lampe, je marcherai devant. Nous irons tout droit, ici nous ne rencontrerons personne.
- Il me semble que quelqu'un marche juste derrière nous, dit Gerda. Quelque chose passa près d'elle en bruissant, sur les murs glissaient des ombres : chevaux aux crinières flottantes et aux jambes fines, jeunes chasseurs, cavaliers et cavalières.
- Rêves que tout cela, dit la corneille. Ils viennent seulement orienter vers la chasse les rêves de nos princes, nous pourrons d'autant mieux les contempler dans leur lit. Mais autre chose : si vous entrez en grâce et prenez de l'importance ici, vous montrerez-vous reconnaissante ?
- Ne parlons pas de ça, dit la corneille de la forêt.
Ils entrèrent dans la première salle tendue de satin rose à grandes fleurs, les rêves les avaient dépassés et couraient si vite que Gerda ne put apercevoir les hauts personnages. Les salles se succédaient l'une plus belle que l'autre, on en était impressionné ... et ils arrivèrent à la chambre à coucher.
Le plafond ressemblait à un grand palmier aux feuilles de verre précieux, et au milieu du parquet se trouvaient, accrochés à une tige d'or, deux lits qui ressemblaient à des lis, l'un était blanc et la princesse y était couchée, l'autre était rouge et c'est dans celui-là que Gerda devait chercher le petit Kay. Elle écarta quelques pétales rouges et aperçut une nuque brune.
- Oh ! c'est Kay ! cria-t-elle tout haut en élevant la lampe vers lui.
Les rêves à cheval bruissaient dans la chambre. Il s'éveilla, tourna la tête vers elle - et ce n'était pas le petit Kay ...
Le prince ne lui ressemblait que par la nuque mais il était jeune et beau.
Alors la petite Gerda se mit à pleurer, elle raconta toute son histoire et ce que les corneilles avaient fait pour l'aider.
- Pauvre petite, s'exclamèrent le prince et la princesse. Ils louèrent grandement les corneilles, déclarant qu'ils n'étaient pas du tout fâchés mais qu'elles ne devaient tout de même pas recommencer. Cependant ils voulaient leur donner une récompense.
- Voulez-vous voler librement ? demanda la princesse, ou voulez-vous avoir la charge de corneilles de la cour ayant droit à tous les déchets de la cuisine ?
Les deux corneilles firent la révérence et demandèrent une charge fixe ; elles pensaient à leur vieillesse et qu'il est toujours bon d'avoir quelque chose de sûr pour ses vieux jours.
Le prince se leva de son lit et permit à Gerda d'y dormir. Il ne pouvait vraiment faire plus. Elle joignit ses petites mains et pensa :
« Comme il y a des êtres humains et aussi des animaux qui sont bons ! » Là-dessus elle ferma les yeux et s'endormit délicieusement.
Tous les rêves voltigèrent à nouveau autour d'elle, cette fois ils avaient l'air d'anges du Bon Dieu, ils portaient un petit traîneau sur lequel était assis Kay qui saluait. Mais tout ceci n'était que rêve et disparut dès qu'elle s'éveilla.
Le lendemain on la vêtit de la tête aux pieds de soie et de velours, elle fut invitée à rester au château et à couler des jours heureux mais elle demanda seulement une petite voiture attelée d'un cheval et une paire de petites bottines, elle voulait repartir de par le monde pour retrouver Kay.
On lui donna de petites bottines et un manchon, on l'habilla à ravir et au moment de partir un carrosse d'or pur attendait devant la porte. La corneille de la forêt, mariée maintenant, les accompagna pendant trois lieues, assise à côté de la petite fille car elle ne pouvait supporter de rouler à reculons, la deuxième corneille, debout à la porte, battait des ailes, souffrant d'un grand mal de tête pour avoir trop mangé depuis qu'elle avait obtenu un poste fixe, elle ne pouvait les accompagner. Le carrosse était bourré de craquelins sucrés, de fruits et de pains d'épice.
- Adieu ! Adieu ! criaient le prince et la princesse.
Gerda pleurait, la corneille pleurait, les premières lieues passèrent ainsi, puis la corneille fit aussi ses adieux et ce fut la plus dure séparation. Elle s'envola dans un arbre et battit de ses ailes noires aussi longtemps que fut en vue la voiture qui rayonnait comme le soleil lui-même.
CINQUIEME HISTOIRE
LA PETITE FILLE DES BRIGANDS

On roulait à travers la sombre forêt et le carrosse luisait comme un flambeau. Des brigands qui se trouvaient là en eurent les yeux blessés, il ne pouvaient le supporter.
- De l'or ! de l'or ! criaient-ils.
S'élançant à la tête des chevaux, ils massacrèrent les petits postillons, le cocher et les valets et tirèrent la petite Gerda hors de la voiture.
- Elle est grassouillette, elle est mignonne et nourrie d'amandes, dit la vieille brigande qui avait une longue barbe broussailleuse et des sourcils qui lui tombaient sur les yeux. C'est joli comme un petit agneau gras, ce sera délicieux à manger.
Elle tira son grand couteau et il luisait d'une façon terrifiante.
- Aie ! criait en même temps cette mégère.
Sa propre petite fille qu'elle portait sur le dos et qui était sauvage et mal élevée à souhait, venait de la mordre à l'oreille.
- Sale petite ! fit la mère.
Elle n'eut pas le temps de tuer Gerda, sa petite fille lui dit :
- Elle jouera avec moi, qu'elle me donne son manchon, sa jolie robe et je la laisserai coucher dans mon lit.
Elle mordit de nouveau sa mère qui se débattait et se tournait de tous les côtés. Les brigands riaient.
- Voyez comme elle danse avec sa petite !
- Je veux monter dans le carrosse, dit la petite fille des brigands.
Et il fallut en passer par où elle voulait, elle était si gâtée et si difficile. Elle s'assit auprès de Gerda et la voiture repartit par-dessus les souches et les broussailles plus profondément encore dans la forêt. La fille des brigands était de la taille de Gerda mais plus forte, plus large d'épaules, elle avait le teint sombre et des yeux noirs presque tristes. Elle prit Gerda par la taille, disant :
- Ils ne te tueront pas tant que je ne serai pas fâchée avec toi. Tu es sûrement une princesse.
- Non, répondit Gerda.
Et elle lui raconta tout ce qui lui était arrivé et combien elle aimait le petit Kay.
La fille des brigands la regardait d'un air sérieux, elle fit un signe de la tête.
Elle essuya les yeux de Gerda et mit ses deux mains dans le manchon. Qu'il était doux !
Le carrosse s'arrêta, elles étaient au milieu de la cour d'un château de brigands, tout lézardé du haut en bas, des corbeaux, des corneilles s'envolaient de tous les trous et les grands bouledogues, qui avaient chacun l'air capable d'avaler un homme, bondissaient mais n'aboyaient pas, cela leur était défendu.
Dans la grande vieille salle noire de suie, brûlait sur le dallage de pierres un grand feu, la fumée montait vers le plafond et cherchait une issue, une grande marmite de soupe bouillait et sur des broches rôtissaient lièvres et lapins.
- Tu vas dormir avec moi et tous mes petits animaux préférés ! dit la fille des brigands.
Après avoir bu et mangé elles allèrent dans un coin où il y avait de la paille et des couvertures. Au-dessus, sur des lattes et des barreaux se tenaient une centaine de pigeons qui avaient tous l'air de dormir mais ils tournèrent un peu la tête à l'arrivée des fillettes.
- Ils sont tous à moi, dit la petite fille des brigands.
Elle attrapa un des plus proches, le tint par les pattes.
- Embrasse-le ! cria-t-elle en le claquant à la figure de Gerda.
- Et voilà toutes les canailles de la forêt, continua-t-elle, en montrant une quantité de barreaux masquant un trou très haut dans le mur.
- Ce sont les canailles de la forêt, ces deux-là, ils s'envolent tout de suite si on ne les enferme pas bien. Et voici le plus chéri, mon vieux Bée !
Elle tira par une corne un renne qui portait un anneau de cuivre poli autour du cou et qui était attaché.
- Il faut aussi l'avoir à la chaîne celui-là, sans quoi il bondit et s'en va. Tous les soirs je lui caresse le cou avec mon couteau aiguisé, il en a une peur terrible, ajouta-t-elle.
Elle prit un couteau dans une fente du mur et le fit glisser sur le cou du pauvre renne qui ruait, mais la fille des brigands ne faisait qu'en rire. Elle entraîna Gerda vers le lit.
- Est-ce que tu le gardes près de toi pour dormir ? demanda Gerda.
- Je dors toujours avec un couteau, dit la fille des brigands. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Mais répète-moi ce que tu me racontais de Kay.
Tandis que la petite Gerda racontait, les pigeons de la forêt roucoulaient là- haut dans leur cage, les autres pigeons dormaient. La fille des brigands dormait et ronflait, une main passée autour du cou de Gerda et le couteau dans l'autre, mais Gerda ne put fermer l'œil, ne sachant si elle allait vivre ou mourir.
Alors, les pigeons de la forêt dirent :
- Crouou ! Crouou ! nous avons vu le petit Kay. Une poule blanche portait son traîneau, lui était assis dans celui de la Reine des Neiges, qui volait bas au-dessus de la forêt, nous étions dans notre nid, la Reine a soufflé sur tous les jeunes et tous sont morts, sauf nous deux. Crouou ! Crouou !
- Que dites-vous là-haut ? cria Gerda. Où la Reine des Neiges est-elle partie ?
- Elle allait sûrement vers la Laponie où il y a toujours de la neige et de la glace. Demande au renne qui est attaché à la corde.
- Il y a de glace et de la neige, c'est agréable et bon, dit le renne. Là, on peut sauter, libre, dans les grandes plaines brillantes, c'est là que la Reine des Neiges a sa tente d'été, mais son véritable château est près du pôle Nord, sur une île appelée Spitzberg.
- Oh ! mon Kay, mon petit Kay, soupira Gerda.
- Si tu ne te tiens pas tranquille, dit la fille des brigands à demi réveillée, je te plante le couteau dans le ventre.
Au matin Gerda raconta à la fillette ce que les pigeons, le renne, lui avaient dit et la fille des brigands avait un air très sérieux, elle disait :
- Ça m'est égal ! ça m'est égal !
- Sais-tu où est la Laponie ? demanda-t-elle au renne.
- Qui pourrait le savoir mieux que moi, répondit l'animal dont les yeux étincelèrent. C'est là que je suis né, que j'ai joué et bondi sur les champs enneigés.
- Ecoute, dit la fille des brigands à Gerda, tu vois que maintenant tous les hommes sont partis, la mère est toujours là et elle restera, mais bientôt elle va se mettre à boire à même cette grande bouteille là-bas et elle se paiera ensuite un petit somme supplémentaire - alors je ferai quelque chose pour toi.
Lorsque la mère eut bu la bouteille et se fut rendormie, la fille des brigands alla vers le renne et lui dit :
- Cela m'aurait amusé de te chatouiller encore souvent le cou avec mon couteau aiguisé car tu es si amusant quand tu as peur, mais tant pis, je vais te détacher et t'aider à sortir pour que tu puisses courir jusqu'en Laponie mais il faudra prendre tes jambes à ton cou et m'apporter cette petite fille au château de la Reine des Neiges où est son camarade de jeu. Tu as sûrement entendu ce qu'elle a raconté, elle parlait assez fort et tu es toujours à écouter.
Le renne sauta en l'air de joie. La fille des brigands souleva Gerda et prit la précaution de l'attacher fermement sur le dos de la bête, elle la fit même asseoir sur un petit coussin.
- Ça m'est égal, dit-elle. Prends tes bottines fourrées car il fera froid, mais le manchon je le garde, il est trop joli. Et comme je ne veux pas que tu aies froid, voilà les immense moufles de ma mère, elles te monteront jusqu'au coude
- fourre-moi tes mains là-dedans. Et voilà, par les mains tu ressembles à mon affreuse mère.
Gerda pleurait de joie.
- Assez de pleurnicheries, je n'aime pas ça, tu devrais avoir l'air contente au contraire, voilà deux pains et un jambon, tu ne souffriras pas de la faim.
Elle attacha les deux choses sur le renne, ouvrit la porte, enferma les grands chiens, puis elle coupa avec son couteau la corde du renne et lui dit :
-Va maintenant, cours, mais fais bien attention à la petite fille.
Gerda tendit ses mains gantées des immenses moufles vers la fille des brigands pour dire adieu et le renne détala par-dessus les buissons et les souches, à travers la grande forêt par les marais et par la steppe, il courait tant qu'il pouvait. Les loups hurlaient, les corbeaux croassaient. Le ciel faisait pfut ! pfut ! comme s'il éternuait rouge.
- C'est la chère vieille aurore boréale, dit le renne, regarde cette lumière !
Et il courait, il courait, de jour et de nuit.
On mangea les pains, et le jambon aussi. Et ils arrivèrent en Laponie.
SIXIEME HISTOIRE
LA FEMME LAPONE ET LA FINNOISE

Ils s'arrêtèrent près d'une petite maison très misérable, le toit descendait jusqu'à terre et la porte était si basse que la famille devait ramper sur le ventre pour y entrer. Il n'y avait personne au logis qu'une vieille femme lapone qui faisait cuire du poisson sur une lampe à huile de foie de morue. Le renne lui raconta toute l'histoire de Gerda, mais d'abord la sienne qui semblait être beaucoup plus importante et Gerda était si transie de froid qu'elle ne pouvait pas parler.
- Hélas ! pauvres de vous, s'écria la femme, vous avez encore beaucoup à courir, au moins cent lieues encore pour atteindre le Finmark, c'est là qu'est la maison de campagne de la Reine des Neiges, et les aurores boréales s'y allument chaque soir. Je vais vous écrire un mot sur un morceau de morue, je n'ai pas de papier, et vous le porterez à la femme finnoise là-haut, elle vous renseignera mieux que moi.
Lorsque Gerda fut un peu réchauffée, quand elle eut bu et mangé, la femme lapone écrivit quelques mots sur un morceau de morue séchée, recommanda à Gerda d'y faire bien attention, attacha de nouveau la petite fille sur le renne - et en route ! Pfut ! pfut ! entendait-on dans l'air, la plus jolie lumière bleue brûlait là-haut.
Ils arrivèrent au Finmark et frappèrent à la cheminée de la finnoise car là il n'y avait même pas de porte.
Quelle chaleur dans cette maison ! la Finnoise y était presque nue, petite et malpropre. Elle défit rapidement les vêtements de Gerda, lui enleva les moufles et les bottines pour qu'elle n'ait pas trop chaud, mit un morceau de glace sur la tête du renne et commença à lire ce qui était écrit sur la morue séchée. Elle lut et relut trois fois, ensuite, comme elle le savait par cœur, elle mit le morceau de poisson à cuire dans la marmite, c'était bon à manger et elle ne gaspillait jamais rien.
Le renne raconta d'abord sa propre histoire puis celle de Gerda. La Finnoise clignait de ses yeux intelligents mais ne disait rien.
- Tu es très remarquable, dit le renne, je sais que tu peux attacher tous les vents du monde avec un simple fil à coudre, si le marin défait un nœud il a bon vent, S'il défait un second nœud, il vente fort, et s'il défait le troisième et le quatrième, la tempête est si terrible que les arbres des forêts sont renversés. Ne veux-tu pas donner à cette petite fille un breuvage qui lui assure la force de douze hommes et lui permette de vaincre la Reine des Neiges ?
- La force de douze hommes, dit la Finnoise, oui, ça suffira bien.
Elle alla vers une tablette, y prit une grande peau roulée, la déroula. D'étranges lettres y étaient gravées, la Finnoise les lisait et des gouttes de sueur tombaient de son front.
Le renne la pria encore si fort pour Gerda et la petite la regarda avec des yeux si suppliants, si pleins de larmes que la Finnoise se remit à cligner des siens. Elle attira le renne dans un coin et lui murmura quelque chose tout en lui mettant de la glace fraîche sur la tête.
- Le petit Kay est en effet chez la Reine des Neiges et il y est parfaitement heureux, il pense qu'il se trouve là dans le lieu le meilleur du monde, mais tout ceci vient de ce qu'il a reçu un éclat de verre dans le cœur et une poussière de verre dans l'œil, il faut que ce verre soit extirpé sinon il ne deviendra jamais un homme et la Reine des Neiges conservera son pouvoir sur lui.
- Mais ne peux-tu faire prendre à Gerda un breuvage qui lui donnerait un pouvoir magique sur tout cela ?
- Je ne peux pas lui donner un pouvoir plus grand que celui qu'elle a déjà. Ne vois-tu pas comme il est grand, ne vois-tu pas comme les hommes et les animaux sont forcés de la servir, comment pieds nus elle a réussi à parcourir le monde ? Ce n'est pas par nous qu'elle peut gagner son pouvoir qui réside dans son cœur d'enfant innocente et gentille. Si elle ne peut pas par elle- même entrer chez la Reine des Neiges et arracher les morceaux de verre du cœur et des yeux de Kay, nous, nous ne pouvons l'aider.
Le jardin de la Reine commence à deux lieues d'ici, conduis la petite fille jusque-là, fais-la descendre près du buisson qui, dans la neige, porte des baies rouges, ne tiens pas de parlotes inutiles et reviens au plus vite.
Ensuite la femme finnoise souleva Gerda et la replaça sur le dos du renne qui repartit à toute allure.
- Oh ! Je n'ai pas mes bottines, je n'ai pas mes moufles, criait la petite Gerda, s'en apercevant dans le froid cuisant.
Le renne n'osait pas s'arrêter, il courait, il courait ... Enfin il arriva au grand buisson qui portait des baies rouges, là il mit Gerda à terre, l'embrassa sur la bouche. De grandes larmes brillantes roulaient le long des joues de l'animal et il se remit à courir, aussi vite que possible pour s'en retourner.
Et voilà ! la pauvre Gerda, sans chaussures, sans gants, dans le terrible froid du Finmark.
Elle se mit à courir en avant aussi vite que possible mais un régiment de flocons de neige venaient à sa rencontre, ils ne tombaient pas du ciel qui était parfaitement clair et où brillait l'aurore boréale, ils couraient sur la terre et à mesure qu'ils s'approchaient, ils devenaient de plus en plus grands. Gerda se rappelait combien ils étaient grands et bien faits le jour où elle les avait regardés à travers la loupe, mais ici ils étaient encore bien plus grands, effrayants, vivants, l'avant garde de la Reine des Neiges. Ils prenaient les formes les plus bizarres, quelques uns avaient l'air de grands hérissons affreux, d'autres semblaient des nœuds de serpents avançant leurs têtes, d'autres ressemblaient à de gros petits ours au poil luisant. Ils étaient tous d'une éclatante blancheur.
Alors la petite Gerda se mit à dire sa prière. Le froid était si intense que son haleine sortait de sa bouche comme une vraie fumée, cette haleine devint de plus en plus dense et se transforma en petits anges lumineux qui grandissaient de plus en plus en touchant la terre, ils avaient tous des casques sur la tête, une lance et un bouclier dans les mains, ils étaient de plus en plus nombreux. Lorsque Gerda eut fini sa prière ils formaient une légion autour d'elle. Ils combattaient de leurs lances les flocons de neige et les faisaient éclater en mille morceaux et la petite Gerda s'avança d'un pas assuré, intrépide. Les anges lui tapotaient les pieds et les mains, elle ne sentait plus le froid et marchait rapidement vers le château.
Maintenant il nous faut d'abord voir comment était Kay. Il ne pensait absolument pas à la petite Gerda, et encore moins qu'elle pût être là, devant le château.
SEPTIEME HISTOIRE
CE QUI S'ETAIT PASSE AU CHATEAU DE LA REINE
DES NEIGES ET CE QUI EUT LIEU PAR LA SUITE

Les murs du château étaient faits de neige pulvérisée, les fenêtres et les portes de vents coupants, il y avait plus de cent salles formées par des tourbillons de neige. La plus grande s'étendait sur plusieurs lieues, toutes étaient éclairées de magnifiques aurores boréales, elles étaient grandes, vides, glacialement froides et étincelantes.
Aucune gaieté ici, pas le plus petit bal d'ours où le vent aurait pu souffler et les ours blancs marcher sur leurs pattes de derrière en prenant des airs distingués. Pas la moindre partie de cartes amenant des disputes et des coups, pas la moindre invitation au café de ces demoiselles les renardes blanches, les salons de la Reine des Neiges étaient vides, grands et glacés. Les aurores boréales luisaient si vivement et si exactement que l'on pouvait prévoir le moment où elles seraient à leur apogée et celui où, au contraire, elles seraient à leur décrue la plus marquée. Au milieu de ces salles neigeuses, vides et sans fin, il y avait un lac gelé dont la glace était brisée en mille morceaux, mais en morceaux si identiques les uns aux autres que c'était une véritable merveille. Au centre trônait la Reine des Neiges quand elle était à la maison. Elle disait qu'elle siégerait là sur le miroir de la raison, l'unique et le meilleur au monde.
Le petit Kay était bleu de froid, même presque noir, mais il ne le remarquait pas, un baiser de la reine lui avait enlevé la possibilité de sentir le frisson du froid et son cœur était un bloc de glace - ou tout comme. Il cherchait à droite et à gauche quelques morceaux de glace plats et coupants qu'il disposait de mille manières, il voulait obtenir quelque chose comme nous autres lorsque nous voulons obtenir une image en assemblant de petites plaques de bois découpées (ce que nous appelons jeu chinois ou puzzle). Lui aussi voulait former des figures et les plus compliquées, ce qu'il appelait le « jeu de glace de la raison » qui prenait à ses yeux une très grande importance, par suite de l'éclat de verre qu'il avait dans l'œil. Il formait avec ces morceaux de glace un mot mais n'arrivait jamais à obtenir le mot exact qu'il aurait voulu, le mot « Eternité ». La Reine des Neiges lui avait dit :
- Si tu arrives à former ce mot, tu deviendras ton propre maître, je t'offrirai le monde entier et une paire de nouveaux patins. Mais il n'y arrivait pas ...
- Maintenant je vais m'envoler vers les pays chauds, dit la Reine, je veux jeter un coup d'œil dans les marmites noires.
Elle parlait des volcans qui crachent le feu, l'Etna et le Vésuve.
- Je vais les blanchir ; un peu de neige, cela fait partie du voyage et fait très bon effet sur les citronniers et la vigne.
Elle s'envola et Kay resta seul dans les immenses salles vides. Il regardait les morceaux de glace et réfléchissait, il réfléchissait si intensément que tout craquait en lui, assis là raide, immobile, on aurait pu le croire mort, gelé.
Et c'est à ce moment que la petite Gerda entra dans le château par le grand portail fait de vents aigus. Elle récita sa prière du soir et le vent s'apaisa comme s'il allait s'endormir. Elle entra dans la grande salle vide et glacée ... Alors elle vit Kay, elle le reconnut, elle lui sauta au cou, le tint serré contre elle et elle criait :
- Kay ! mon gentil petit Kay ! je te retrouve enfin.
Mais lui restait immobile, raide et froid - alors Gerda pleura de chaudes larmes qui tombèrent sur la poitrine du petit garçon, pénétrèrent jusqu'à son cœur, firent fondre le bloc de glace, entraînant l'éclat de verre qui se trouvait là.
Il la regarda, elle chantait le psaume :
Les roses poussent dans les vallées
Où l'enfant Jésus vient nous parler.

Alors Kay éclata en sanglots. Il pleura si fort que la poussière de glace coula hors de son œil. Il reconnut Gerda et cria débordant de joie :
- Gerda, chère petite Gerda, où es-tu restée si longtemps? Ou ai-je été moi-même? Il regarda alentour.
- Qu'il fait froid ici, que tout est vide et grand.
Il se serrait contre sa petite amie qui riait et pleurait de joie. Un infini bonheur s'épanouissait, les morceaux de glace eux-mêmes dansaient de plaisir, et lorsque les enfants s'arrêtèrent, fatigués, ils formaient justement le mot que la Reine des Neiges avait dit à Kay de composer : « Éternité ». Il devenait donc son propre maître, elle devait lui donner le monde et une paire de patins neufs.
Gerda lui baisa les joues et elle devinrent roses, elle baisa ses yeux et ils brillèrent comme les siens, elle baisa ses mains et ses pieds et il redevint sain et fort. La Reine des Neiges pouvait rentrer, la lettre de franchise de Kay était là écrite dans les morceaux de glace étincelants : Eternité ...
Alors les deux enfants se prirent par la main et sortirent du grand château. Ils parlaient de grand-mère et des rosiers sur le toit, les vents s'apaisaient, le soleil se montrait. Ils atteignirent le buisson aux baies rouges, le renne était là et les attendait. Il avait avec lui une jeune femelle dont le pis était plein, elle donna aux enfants son lait chaud et les baisa sur la bouche.
Les deux animaux portèrent Kay et Gerda d'abord chez la femme finnoise où ils se réchauffèrent dans sa chambre, et qui leur donna des indications pour le voyage de retour, puis chez la femme lapone qui leur avait cousu des vêtements neufs et avait préparé son traîneau.
Les deux rennes bondissaient à côté d'eux tandis qu'ils glissaient sur le traîneau, ils les accompagnèrent jusqu'à la frontière du pays où se montraient les premières verdures : là ils firent leurs adieux aux rennes et à la femme lapone.
- Adieu ! Adieu ! dirent-ils tous.
Les premiers petits oiseaux se mirent à gazouiller, la forêt était pleine de pousses vertes. Et voilà que s'avançait vers eux sur un magnifique cheval que Gerda reconnut aussitôt (il avait été attelé devant le carrosse d'or), s'avançait vers eux une jeune fille portant un bonnet rouge et tenant des pistolets devant elle, c'était la petite fille des brigands qui s'ennuyait à la maison et voulait voyager, d'abord vers le nord, ensuite ailleurs si le nord ne lui plaisait pas.
- Tu t'y entends à faire trotter le monde, dit-elle au petit Kay, je me demande si tu vaux la peine qu'on coure au bout du monde pour te chercher.
Gerda lui caressa les joues et demanda des nouvelles du prince et de la princesse.
- Ils sont partis à l'étranger, dit la fille des brigands.
- Et la corneille ? demanda Gerda.
- La corneille est morte, répondit-elle. Sa chérie apprivoisée est veuve et porte un bout de laine noire à la patte, elle se plaint lamentablement, quelle bêtise ! Mais raconte-moi ce qui t'est arrivé et comment tu l'as retrouvé ?
Gerda et Kay racontaient tous les deux en même temps.
- Et patati, et patata, dit la fille des brigands, elle leur serra la main à tous les deux et promit, si elle traversait leur ville, d'aller leur rendre visite ... et puis elle partit dans le vaste monde.
Kay et Gerda allaient la main dans la main et tandis qu'ils marchaient, un printemps délicieux plein de fleurs et de verdure les enveloppait. Les cloches sonnaient, ils reconnaissaient les hautes tours, la grande ville où ils habitaient. Il allèrent à la porte de grand-mère, montèrent l'escalier, entrèrent dans la chambre où tout était à la même place qu'autrefois. La pendule faisait tic-tac, les aiguilles tournaient, mais en passant la porte, ils s'aperçurent qu'ils étaient devenus des grandes personnes.
Les rosiers dans la gouttière étendaient leurs fleurs à travers les fenêtres ouvertes. Leurs petites chaises d'enfants étaient là, Kay et Gerda s'assirent chacun sur la sienne en se tenant toujours la main, ils avaient oublié, comme on oublie un rêve pénible, les splendeurs vides du château de la Reine des Neiges. Grand-mère était assise dans le clair soleil de Dieu et lisait la Bible à voix haute : « Si vous n'êtes pas semblables à des enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu. »
Kay et Gerda se regardèrent dans les
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Ven 02 Avr 2010, 10:02

Le rossignol


Vous savez qu'en Chine, l'empereur est un Chinois, et tous ses sujets sont des Chinois.
Il y a de longues années, et justement parce qu'il y a très longtemps, je veux vous raconter cette histoire avant qu'on ne l'oublie.
Le palais de l'empereur était le plus beau du monde, entièrement construit de la plus fine porcelaine - il fallait d'ailleurs y faire très attention.
Dans le jardin poussaient des fleurs merveilleuses; et afin que personne ne puisse passer sans les remarquer, on avait attaché aux plus belles d'entre-elles des clochettes d'argent qui tintaient délicatement. Vraiment, tout était magnifique dans le jardin de l'empereur, et ce jardin s'étendait si loin, que même le jardinier n'en connaissait pas la fin. En marchant toujours plus loin, on arrivait à une merveilleuse forêt, où il y avait de grands arbres et des lacs profonds. Et cette forêt s'étendait elle-même jusqu'à la mer, bleue et profonde. De gros navires pouvaient voguer jusque sous les branches où vivait un rossignol. Il chantait si divinement que même le pauvre pêcheur, qui avait tant d'autres choses à faire, ne pouvait s'empêcher de s'arrêter et de l'écouter lorsqu'il sortait la nuit pour retirer ses filets. "Mon Dieu! Comme c'est beau!", disait-il. Mais comme il devait s'occuper de ses filets, il oubliait l'oiseau. Les nuits suivantes, quand le rossignol se remettait à chanter, le pêcheur redisait à chaque fois: "Mon Dieu! Comme c'est beau!"
Des voyageurs de tous les pays venaient dans la ville de l'empereur et s'émerveillaient devant le château et son jardin; mais lorsqu'ils finissaient par entendre le Rossignol, ils disaient tous: "Voilà ce qui est le plus beau!" Lorsqu'ils revenaient chez-eux, les voyageurs racontaient ce qu'ils avaient vu et les érudits écrivaient beaucoup de livres à propos de la ville, du château et du jardin. Mais ils n'oubliaient pas le rossignol: il recevait les plus belles louanges et ceux qui étaient poètes réservaient leurs plus beaux vers pour ce rossignol qui vivaient dans la forêt, tout près de la mer.
Les livres se répandirent partout dans le monde, et quelques-uns parvinrent un jour à l'empereur. Celui-ci s'assit dans son trône d'or, lu, et lu encore. À chaque instant, il hochait la tête, car il se réjouissait à la lecture des éloges qu'on faisait sur la ville, le château et le jardin. "Mais le rossignol est vraiment le plus beau de tout!", y était-il écrit.
"Quoi?", s'exclama l'empereur. "Mais je ne connais pas ce rossignol! Y a-t-il un tel oiseau dans mon royaume, et même dans mon jardin? Je n'en ai jamais entendu parler!"
Il appela donc son chancelier. Celui-ci était tellement hautain que, lorsque quelqu'un d'un rang moins élevé osait lui parler ou lui poser une question, il ne répondait rien d'autre que: "P!" Ce qui ne voulait rien dire du tout.
"Il semble y avoir ici un oiseau de plus remarquables qui s'appellerait Rossignol!", dit l'empereur. "On dit que c'est ce qu'il y de plus beau dans mon grand royaume; alors pourquoi ne m'a-t-on rien dit à ce sujet?" "Je n'ai jamais entendu parler de lui auparavant", dit le chancelier. "Il ne s'est jamais présenté à la cour!"
"Je veux qu'il vienne ici ce soir et qu'il chante pour moi!", dit l'empereur. "Le monde entier sait ce que je possède, alors que moi-même, je n'en sais rien!"
"Je n'ai jamais entendu parler de lui auparavant", redit le chancelier. "Je vais le chercher, je vais le trouver!"
Mais où donc le chercher? Le chancelier parcourut tous les escaliers de haut en bas et arpenta les salles et les couloirs, mais aucun de ceux qu'il rencontra n'avait entendu parler du rossignol. Le chancelier retourna auprès de l'empereur et lui dit que ce qui était écrit dans le livre devait sûrement n'être qu'une fabulation. "Votre Majesté Impériale ne devrait pas croire tout ce qu'elle lit; il ne s'agit là que de poésie!"
"Mais le livre dans lequel j'ai lu cela, dit l'empereur, m'a été expédié par le plus grand Empereur du Japon; ainsi ce ne peut pas être une fausseté. Je veux entendre le rossignol; il doit être ici ce soir! Il a ma plus haute considération. Et s'il ne vient pas, je ferai piétiner le corps de tous les gens de la cour après le repas du soir."
"Tsing-pe!", dit le chancelier, qui s'empressa de parcourir de nouveau tous les escaliers de haut en bas et d'arpenter encore les salles et les couloirs. La moitié des gens de la cour alla avec lui, car l'idée de se faire piétiner le corps ne leur plaisaient guère. Ils s'enquirent du remarquable rossignol qui était connu du monde entier, mais inconnu à la cour.
Finalement, ils rencontrèrent une pauvre fillette aux cuisines. Elle dit: "Mon Dieu, Rossignol? Oui, je le connais. Il chante si bien! Chaque soir, j'ai la permission d'apporter à ma pauvre mère malade quelques restes de table; elle habite en-bas, sur la rive. Et lorsque j'en reviens, fatiguée, et que je me repose dans la forêt, j'entends Rossignol chanter. Les larmes me montent aux yeux; c'est comme si ma mère m'embrassait!"
"Petite cuisinière, dit le chancelier, je te procurerai un poste permanent aux cuisines et t'autoriserai à t'occuper des repas de l'empereur, si tu nous conduis auprès de Rossignol; il doit chanter ce soir."
Alors, ils partirent dans la forêt, là où Rossignol avait l'habitude de chanter; la moitié des gens de la cour suivit. Tandis qu'ils allaient bon train, une vache se mit à meugler.
"Oh!", dit un hobereau. "Maintenant, nous l'avons trouvé; il y a là une remarquable vigueur pour un si petit animal! Je l'ai sûrement déjà entendu!"
"Non, dit la petite cuisinière, ce sont des vaches qui meuglent. Nous sommes encore loin de l'endroit où il chante."
Puis, les grenouilles croassèrent dans les marais. "Merveilleux!", s'exclama le prévôt du château. "Là, je l'entends; cela ressemble justement à de petites cloches de temples."
"Non, ce sont des grenouilles!", dit la petite cuisinière. "Mais je pense que bientôt nous allons l'entendre!" À ce moment, Rossignol se mit à chanter.
"C'est lui, dit la petite fille. Ecoutez! Ecoutez! Il est là!" Elle montra un petit oiseau gris qui se tenait en-haut dans les branches.
"Est-ce possible?", dit le chancelier. "Je ne l'aurais jamais imaginé avec une apparence aussi simple. Il aura sûrement perdu ses couleurs à force de se faire regarder par tant de gens!"
"Petit Rossignol, cria la petite cuisinière, notre gracieux Empereur aimerait que tu chantes devant lui!"
"Avec le plus grand plaisir", répondit Rossignol. Il chanta et ce fut un vrai bonheur. "C'est tout à fait comme des clochettes de verre!", dit le chancelier. "Et voyez comme sa petite gorge travaille fort! C'est étonnant que nous ne l'ayons pas aperçu avant; il fera grande impression à la cour!" "Dois-je chanter encore pour l'Empereur?", demanda Rossignol, croyant que l'empereur était aussi présent.
"Mon excellent petit Rossignol, dit le chancelier, j'ai le grand plaisir de vous inviter à une fête ce soir au palais, où vous charmerez sa Gracieuse Majesté Impériale de votre merveilleux chant!"
"Mon chant s'entend mieux dans la nature!", dit Rossignol, mais il les accompagna volontiers, sachant que c'était le souhait de l'empereur.
Au château, tout fut nettoyé; les murs et les planchers, faits de porcelaine, brillaient sous les feux de milliers de lampes d'or. Les fleurs les plus magnifiques, celles qui pouvaient tinter, furent placées dans les couloirs. Et comme il y avait là des courants d'air, toutes les clochettes tintaient en même temps, de telle sorte qu'on ne pouvait même plus s'entendre parler.
Au milieu de la grande salle où l'empereur était assis, on avait placé un perchoir d'or, sur lequel devait se tenir Rossignol. Toute la cour était là; et la petite fille, qui venait de se faire nommer cuisinière de la cour, avait obtenu la permission de se tenir derrière la porte. Tous avaient revêtu leurs plus beaux atours et regardaient le petit oiseau gris, auquel l'empereur fit un signe.
Le rossignol chanta si magnifiquement, que l'empereur en eut les larmes aux yeux. Les larmes lui coulèrent sur les joues et le rossignol chanta encore plus merveilleusement; cela allait droit au coeur. L'empereur fut ébloui et déclara que Rossignol devrait porter au coup une pantoufle d'or. Le Rossignol l'en remercia, mais répondit qu'il avait déjà été récompensé: "J'ai vu les larmes dans les yeux de l'Empereur et c'est pour moi le plus grand des trésors! Oui! J'ai été largement récompensé!" Là-dessus, il recommença à chanter de sa voix douce et magnifique.
"C'est la plus adorable voix que nous connaissons!", dirent les dames tout autour. Puis, se prenant pour des rossignols, elles se mirent de l'eau dans la bouche de manière à pouvoir chanter lorsqu'elles parlaient à quelqu'un. Les serviteurs et les femmes de chambres montrèrent eux aussi qu'ils étaient joyeux; et cela voulait beaucoup dire, car ils étaient les plus difficiles à réjouir. Oui, vraiment, Rossignol amenait beaucoup de bonheur.
À partir de là, Rossignol dut rester à la cour, dans sa propre cage, avec, comme seule liberté, la permission de sortir et de se promener deux fois le jour et une fois la nuit. On lui assigna douze serviteurs qui le retenaient grâce à des rubans de soie attachés à ses pattes. Il n'y avait absolument aucun plaisir à retirer de telles excursions.
Un jour, l'empereur reçut une caisse, sur laquelle était inscrit: "Le rossignol".
"Voilà sans doute un nouveau livre sur notre fameux oiseau!", dit l'empereur. Ce n'était pas un livre, mais plutôt une oeuvre d'art placée dans une petite boîte: un rossignol mécanique qui imitait le vrai, mais tout sertis de diamants, de rubis et de saphirs. Aussitôt qu'on l'eut remonté, il entonna l'un des airs que le vrai rossignol chantait, agitant la queue et brillant de mille reflets d'or et d'argent. Autour de sa gorge, était noué un petit ruban sur lequel était inscrit: "Le rossignol de l'Empereur du Japon est bien humble comparé à celui de l'Empereur de Chine."
Tous s'exclamèrent: "C'est magnifique!" Et celui qui avait apporté l'oiseau reçu aussitôt le titre de "Suprême Porteur Impérial de Rossignol".
"Maintenant, ils doivent chanter ensembles! Comme ce sera plaisant!"
Et ils durent chanter en duo, mais ça n'allait pas. Car tandis que le vrai rossignol chantait à sa façon, l'automate, lui, chantait des valses. "Ce n'est pas de sa faute!", dit le maestro, "il est particulièrement régulier, et tout-à-fait selon mon école!" Alors l'automate dut chanter seul. Il procura autant de joie que le véritable et s'avéra plus adorable encore à regarder; il brillait comme des bracelets et des épinglettes.
Il chanta le même air trente-trois fois sans se fatiguer; les gens auraient bien aimé l'entendre encore, mais l'empereur pensa que ce devait être au tour du véritable rossignol de chanter quelque chose. Mais où était-il? Personne n'avait remarqué qu'il s'était envolé par la fenêtre, en direction de sa forêt verdoyante.
"Mais que se passe-t-il donc?", demanda l'empereur, et tous les courtisans grognèrent et se dirent que Rossignol était un animal hautement ingrat. "Le meilleur des oiseaux, nous l'avons encore!", dirent-ils, et l'automate dut recommencer à chanter. Bien que ce fut la quarante-quatrième fois qu'il jouait le même air, personne ne le savait encore par coeur; car c'était un air très difficile. Le maestro fit l'éloge de l'oiseau et assura qu'il était mieux que le vrai, non seulement grâce à son apparence externe et les nombreux et magnifiques diamants dont il était serti, mais aussi grâce à son mécanisme intérieur. "Voyez, mon Souverain, Empereur des Empereurs! Avec le vrai rossignol, on ne sait jamais ce qui en sortira, mais avec l'automate, tout est certain: on peut l'expliquer, le démonter, montrer son fonctionnement, voir comment les valses sont réglées, comment elles sont jouées et comment elles s'enchaînent!"
"C'est tout-à-fait notre avis!", dit tout le monde, et le maestro reçu la permission de présenter l'oiseau au peuple le dimanche suivant. Le peuple devait l'entendre, avait ordonné l'empereur, et il l'entendit. Le peuple était en liesse, comme si tous s'étaient enivrés de thé, et tous disaient: "Oh!", en pointant le doigt bien haut et en faisant des signes. Mais les pauvres pêcheurs, ceux qui avaient déjà entendu le vrai rossignol, dirent: "Il chante joliment, les mélodies sont ressemblantes, mais il lui manque quelque chose, nous ne savons trop quoi!"
Le vrai rossignol fut banni du pays et de l'empire. L'oiseau mécanique eut sa place sur un coussin tout près du lit de l'empereur, et tous les cadeaux que ce dernier reçu, or et pierres précieuses, furent posés tout autour. L'oiseau fut élevé au titre de "Suprême Rossignol Chanteur Impérial" et devint le Numéro Un à la gauche de l'empereur - l'empereur considérant que le côté gauche, celui du coeur, était le plus distingué, et qu'un empereur avait lui aussi son coeur à gauche. Le maestro rédigea une oeuvre en vingt-cinq volumes sur l'oiseau. C'était très savant, long et remplis de mots chinois parmi les plus difficiles; et chacun prétendait l'avoir lu et compris, craignant de se faire prendre pour un idiot et de se faire piétiner le corps.
Une année entière passa. L'empereur, la cour et tout les chinois connaissaient par coeur chacun des petits airs chantés par l'automate. Mais ce qui leur plaisaient le plus, c'est qu'ils pouvaient maintenant eux-mêmes chanter avec lui, et c'est ce qu'ils faisaient. Les gens de la rue chantaient: "Ziziiz! Kluckkluckkluck!", et l'empereur aussi. Oui, c'était vraiment magnifique!
Mais un soir, alors que l'oiseau mécanique chantait à son mieux et que l'empereur, étendu dans son lit, l'écoutait, on entendit un "cric" venant de l'intérieur; puis quelque chose sauta: "crac!" Les rouages s'emballèrent, puis la musique s'arrêta.
L'empereur sauta immédiatement hors du lit et fit appeler son médecin. Mais que pouvait-il bien y faire? Alors on amena l'horloger, et après beaucoup de discussions et de vérifications, il réussit à remettre l'oiseau dans un certain état de marche. Mais il dit que l'oiseau devait être ménagé, car les chevilles étaient usées, et qu'il était impossible d'en remettre de nouvelles. Quelle tristesse! À partir de là, on ne put faire chanter l'automate qu'une fois l'an, ce qui était déjà trop. Mais le maestro tint un petit discourt, tout plein de mots difficiles, disant que ce serait aussi bien qu'avant; et ce fut aussi bien qu'avant.
Puis, cinq années passèrent, et une grande tristesse s'abattit sur tout le pays. L'empereur, qui occupait une grande place dans le coeur de tous les chinois, était maintenant malade et devait bientôt mourir. Déjà, un nouvel empereur avait été choisi, et le peuple, qui se tenait dehors dans la rue, demandait au chancelier comment se portait son vieil empereur.
"P!", disait-il en secouant la tête.
L'empereur, froid et blême, gisait dans son grand et magnifique lit. Toute la cour le croyait mort, et chacun s'empressa d'aller accueillir le nouvel empereur; les serviteurs sortirent pour en discuter et les femmes de chambres se rassemblèrent autour d'une tasse de café. Partout autour, dans toutes les salles et les couloirs, des draps furent étendus sur le sol, afin qu'on ne puisse pas entendre marcher; ainsi, c'était très silencieux. Mais l'empereur n'était pas encore mort: il gisait, pâle et glacé, dans son magnifique lit aux grands rideaux de velours et aux passements en or massif. Tout en haut, s'ouvrait une fenêtre par laquelle les rayons de lune éclairaient l'empereur et l'oiseau mécanique.
Le pauvre empereur pouvait à peine respirer; c'était comme si quelque chose ou quelqu'un était assis sur sa poitrine. Il ouvrit les yeux, et là, il vit que c'était la Mort. Elle s'était coiffée d'une couronne d'or, tenait dans une main le sabre de l'empereur, et dans l'autre, sa splendide bannière. De tous les plis du grand rideau de velours surgissaient toutes sortes de têtes, au visage parfois laid, parfois aimable et doux. C'étaient les bonnes et les mauvaises actions de l'empereur qui le regardaient, maintenant que la Mort était assise sur son coeur.
"Te souviens-tu d'elles?", dit la Mort. Puis, elle lui raconta tant de ses actions passées, que la sueur en vint à lui couler sur le front.
"Cela je ne l'ai jamais su!", dit l'empereur. "De la musique! De la musique! Le gros tambour chinois", cria l'empereur, "pour que je ne puisse entendre tout ce qu'elle dit!"
Mais la Mort continua de plus belle, en faisant des signes de tête à tout ce qu'elle disait.
"De la musique! De la musique!", criait l'empereur. "Toi, cher petit oiseau d'or, chante donc, chante! Je t'ai donné de l'or et des objets de grande valeur, j'ai suspendu moi-même mes pantoufles d'or à ton cou; chante donc, chante!"
Mais l'oiseau n'en fit rien; il n'y avait personne pour le remonter, alors il ne chanta pas. Et la Mort continua à regarder l'empereur avec ses grandes orbites vides. Et tout était calme, terriblement calme.
Tout à coup, venant de la fenêtre, on entendit le plus merveilleux des chants: c'était le petit rossignol, plein de vie, qui était assis sur une branche. Ayant entendu parler de la détresse de l'empereur, il était venu lui chanter réconfort et espoir. Et tandis qu'il chantait, les visages fantômes s'estompèrent et disparurent, le sang se mit à circuler toujours plus vite dans les membres fatigués de l'empereur, et même la Mort écouta et dit: "Continue, petit rossignol! Continue!"
"Bien, me donnerais-tu le magnifique sabre d'or? Me donnerais-tu la riche bannière? Me donnerais-tu la couronne de l'empereur?"
La Mort donna chacun des joyaux pour un chant, et Rossignol continua à chanter. Il chanta le tranquille cimetière où poussent les roses blanches, où les lilas embaument et où les larmes des survivants arrosent l'herbe fraîche. Alors la Mort eut la nostalgie de son jardin, puis elle disparut par la fenêtre, comme une brume blanche et froide.
"Merci, merci!" dit l'empereur. "Toi, divin petit oiseau, je te connais bien! Je t'ai banni de mon pays et de mon empire, et voilà que tu chasses ces mauvais esprits de mon lit, et que tu sors la Mort de mon coeur! Comment pourrais-je te récompenser?"
"Tu m'as récompensé!", répondit Rossignol. "J'ai fait couler des larmes dans tes yeux, lorsque j'ai chanté la première fois. Cela, je ne l'oublierai jamais; ce sont là les joyaux qui réjouissent le coeur d'un chanteur. Mais dors maintenant, et reprend des forces; je vais continuer à chanter!"
Il chanta, et l'empereur glissa dans un doux sommeil; un sommeil doux et réparateur!
Le soleil brillait déjà par la fenêtre lorsque l'empereur se réveilla, plus fort et en bonne santé. Aucun de ses serviteurs n'était encore venu, car ils croyaient tous qu'il était mort. Mais Rossignol était toujours là et il chantait. "Tu resteras toujours auprès de moi!, dit l'empereur. Tu chanteras seulement lorsqu'il t'en plaira, et je briserai l'automate en mille morceaux."
"Ne fait pas cela", répondit Rossignol. "Il a apporté beaucoup de bien, aussi longtemps qu'il a pu; conserve-le comme il est. Je ne peux pas nicher ni habiter au château, mais laisse moi venir quand j'en aurai l'envie. Le soir, je viendrai m'asseoir à la fenêtre et je chanterai devant toi pour tu puisses te réjouir et réfléchir en même temps. Je chanterai à propos de bonheur et de la misère, du bien et du mal, de ce qui, tout autour de toi, te reste caché. Un petit oiseau chanteur vole loin, jusque chez le pauvre pêcheur, sur le toit du paysan, chez celui qui se trouve loin de toi et de ta cour. J'aime ton coeur plus que ta couronne, même si la couronne a comme une odeur de sainteté autour d'elle. Je reviendrai et chanterai pour toi! Mais avant, tu dois me promettre!"
"Tout ce que tu voudras!", dit l'empereur. Il était debout dans son costume impérial, qu'il venait d'enfiler, et tenait sur son coeur le sabre alourdi par l'or. "Je te demande de ne révéler à personne que tu as un petit oiseau qui te raconte tout. Alors, tout ira mieux !"
Puis, Rossignol s'envola.
Les serviteurs entraient pour voir leur empereur mort. Ils étaient là, debout devant lui, étonnés.
Et lui leur dit, simplement : "Bonjour!"
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Ven 02 Avr 2010, 09:58

LE BRIQUET



Un soldat s'en venait d'un bon pas sur la route.
Une deux, une deux! sac au dos et sabre au côté. Il avait été à la guerre et maintenant, il rentrait chez lui.
Sur la route, il rencontra une vieille sorcière. Qu'elle était laide!! sa lippe lui pendait jusque sur la poitrine.
- Bonsoir soldat, dit-elle. Ton sac est grand et ton sabre est beau, tu es un vrai soldat. je vais te donner autant d'argent que tu voudras.
- Merci, vieille, dit le soldat.
- Vois-tu ce grand arbre? dit la sorcière. Il est entièrement creux. Grimpe au sommet, tu verras un trou, tu t'y laisseras glisser jusqu'au fond. je t'attacherai une corde autour du corps pour te remonter quand tu m'appelleras.
- Mais qu'est-ce que je ferai au fond de l'arbre ?
- Tu y prendras de l'argent, dit la sorcière. Quand tu seras au fond tu te trouveras dans une grande galerie éclairée par des centaines de lampes. Devant toi il y aura trois portes. Tu pourras les ouvrir, les clés sont dessus. Si tu entres dans la première chambre, tu verras un grand chien assis au beau milieu sur un coffre. Il a des yeux grands comme des soucoupes, mais ne t'inquiète pas de ça. je te donnerai mon tablier à carreaux bleus que tu étendras par terre, tu saisiras le chien et tu le poseras sur mon tablier. Puis tu ouvriras le coffre et tu prendras autant de pièces que tu voudras. Celles-là sont en cuivre ... Si tu préfères des pièces d'argent, tu iras dans la deuxième chambre! Un chien y est assis avec des yeux grands comme des roues de moulin. Ne t'inquiète encore pas de ça. Pose-le sur mon tablier et prends des pièces d'argent, autant que tu en veux. Mais si tu préfères l'or, je peux aussi t'en donner - et combien! - tu n'as qu'à entrer dans la troisième chambre. Ne t'inquiète toujours pas du chien assis sur le coffre. Celui-ci a les yeux grands chacun comme la "Tour Ronde" de Copenhague' et je t'assure que pour un chien, c'en est un. Pose-le sur mon tablier et n'aie pas peur, il ne te fera aucun mal. Prends dans le coffre autant de pièces d'or que tu voudras.
- Ce n'est pas mal du tout ça, dit le soldat. Mais qu'est-ce qu'il faudra que je te donne à toi, la vieille? je suppose que tu veux quelque chose.
- Pas un sou dit la sorcière. Rapporte-moi seulement le vieux briquet que ma grand-mère a oublié la dernière fois qu'elle est descendue dans l'arbre.
- Bon, dit le soldat, attache-moi la corde autour du corps.
- Voilà - et voici mon tablier à carreaux bleus.

Le soldat grimpa dans l'arbre, se laissa glisser dans le trou, et le voilà, comme la sorcière l'avait annoncé, dans la galerie où brillaient des centaines de lampes. Il ouvrit la première porte. Oh! le chien qui avait des yeux grands comme des soucoupes le regardait fixement.
Tu es une brave bête lui dit le soldat en le posant vivement sur le tablier de la sorcière. Il prit autant de pièces de cuivre qu'il put en mettre dans sa poche, referma le couvercle du coffre, posa le chien dessus et entra dans la deuxième chambre.
Brrr!! le chien qui y était assis avait, réellement, les yeux grands comme des roues de moulin.
Ne me regarde pas comme ça, lui dit le soldat, tu pourrais te faire mal.
Il posa le chien sur le tablier, mais en voyant dans le coffre toutes ces pièces d'argent, il jeta bien vite les sous en cuivre et remplit ses poches et son sac d'argent. Puis il passa dans la troisième chambre.
Mais quel horrible spectacle! Les yeux du chien qui se tenait là étaient vraiment grands chacun comme la "Tour Ronde" de Copenhague et ils tournaient dans sa tête comme des roues.
Bonsoir, dit le soldat en portant la main à son képi, car de sa vie, il n'avait encore vu un chien pareil et il l'examina quelque peu. Mais bientôt il se ressaisit, posa le chien sur le tablier, ouvrit le coffre.
Dieu! ... que d'or! Il pourrait acheter tout Copenhague avec ça, tous les cochons en sucre des pâtissiers et les soldats de plomb et les fouets et les chevaux à bascule du monde entier. Quel trésor!
Il jeta bien vite toutes les pièces d'argent et prit de l'or. Ses poches, son sac, son képi et ses bottes, il les remplit au point de ne presque plus pouvoir marcher. Eh! bien, il en avait de l'argent cette fois! Vite il replaça le chien sur le coffre, referma la porte et cria dans le tronc de l'arbre :
- Remonte-moi, vieille.
- As-tu le briquet ? demanda-t-elle.
- Ma foi, je l'avais tout à fait oublié, fit-il et il retourna le prendre.
Puis la sorcière le hissa jusqu'en haut et le voilà sur la route avec ses poches, son sac, son képi, ses bottes pleines d'or !
- Qu'est-ce que tu vas faire de ce briquet ? demanda-t-.il.
- Ça ne te regarde pas, tu as l'argent, donne-moi le briquet !
- Taratata, dit le soldat. Tu vas me dire tout de suite ce que tu vas faire de ce briquet ou je tire mon sabre et je te coupe la tête.
- Non, dit la vieille sorcière.
Alors, il lui coupa le cou. La pauvre tomba par terre et elle y resta. Mais lui serra l'argent dans le tablier, en fit un baluchon qu'il lança sur son épaule, mit le briquet dans sa poche et marcha vers la ville.

Une belle ville c'était. Il alla à la meilleure auberge, demanda les plus belles chambres, commanda ses plats favoris. Puisqu'il était riche...
Le valet qui cira ses chaussures se dit en lui-même que pour un monsieur aussi riche, il avait de bien vieilles bottes. Mais dès le lendemain, le soldat acheta des souliers neufs et aussi des vêtements convenables.
Alors il devint un monsieur distingué. Les gens ne lui parlaient que de tout ce qu'il y avait d'élégant dans la ville et de leur roi, et de sa fille, la ravissante princesse.
Où peut-on la voir ? demandait le soldat.
On ne peut pas la voir du tout, lui répondait-on. Elle habite un grand château aux toits de cuivre entouré de murailles et de tours. Seul le roi peut entrer chez elle à sa guise car on lui a prédit que sa fille épouserait un simple soldat; et un roi n'aime pas ça du tout.
- Que je voudrais la connaître, dit le soldat, mais il savait bien que c'était tout à fait impossible.
Alors il mena une joyeuse vie, alla à la comédie, roula carrosse dans le jardin du roi, donna aux pauvres beaucoup d'argent - et cela de grand coeur - se souvenant des jours passés et sachant combien les indigents ont de peine à avoir quelques sous.
Il était riche maintenant et bien habillé, il eut beaucoup d'amis qui, tous, disaient de lui: quel homme charmant, quel vrai gentilhomme. Cela le flattait.
Mais comme il dépensait tous les jours beaucoup d'argent et qu'il n'en rentrait jamais dans sa bourse, le moment vint où il ne lui resta presque plus rien. Il dut quitter les belles chambres, aller loger dans une mansarde sous les toits, brosser lui-même ses chaussures, tirer l'aiguille à repriser. Aucun ami ne venait plus le voir... trop d'étages à monter.

Par un soir très sombre - il n'avait même plus lès moyens de s'acheter une chandelle - il se souvint qu'il en avait un tout petit bout dans sa poche et aussi le briquet trouvé dans l'arbre creux où la sorcière l'avait fait descendre. Il battit le silex du briquet et au moment où l'étincelle jaillit, voilà que la porte s'ouvre. Le chien aux yeux grands comme des soucoupes est devant lui.
- Qu'ordonne mon maître? demande le chien.
- Quoi! dit le soldat. Voilà un fameux briquet s'il me fait avoir tout ce que je veux. Apporte-moi un peu d'argent. Hop! voilà l’animal parti et hop! le voilà revenu portant, dans sa gueule, une bourse pleine de pièces de cuivre.
Alors le soldat comprit quel briquet miraculeux il avait là. S'il le battait une fois, c'était le chien assis sur le coffre aux monnaies de cuivre qui venait, s'il le battait deux fois, c'était celui qui gardait les pièces d'argent et s'il battait trois fois son briquet, c'était le gardien des pièces d'or qui apparaissait. Notre soldat put ainsi redescendre dans les plus belles chambres, remettre ses vêtements luxueux. Ses amis le reconnurent immédiatement et même ils avaient beaucoup d affection pour lui.
Cependant un jour, il se dit : C'est tout de même dommage qu on ne puisse voir cette princesse. On dit qu'elle est si charmante ... A quoi bon si elle doit toujours rester prisonnière dans le grand château aux toits de cuivre avec toutes ces tours ?
Est-il vraiment impossible que je la voie ? Où est mon briquet ?
Il fit jaillir une étincelle et le chien aux yeux grands comme des soucoupes apparut.
- Il est vrai qu'on est au milieu de la nuit, lui dit le soldat, mais j'ai une envie folle de voir la princesse.
En un clin d'oeil, le chien était dehors et l'instant d'après, il était de retour portant la princesse couchée sur son dos. Elle dormait et elle était si gracieuse qu'en la voyant, chacun aurait reconnu que c'était une vraie princesse. Le jeune homme n'y tint plus, il ne put s'empêcher de lui donner un baiser car, lui, c'était un vrai soldat.
Vite le chien courut ramener la jeune fille au château mais le lendemain matin, comme le roi et la reine prenaient le thé avec elle, la princesse leur dit qu'elle avait rêvé la nuit d'un chien et d'un soldat et que le soldat lui avait donné un baiser.
- Eh! bien, en voilà une histoire! dit la reine.
Une des vieilles dames de la cour reçut l'ordre de veiller toute la nuit suivante auprès du lit de la princesse pour voir si c'était vraiment un rêve ou bien ce que cela pouvait être !
Le soldat se languissait de revoir l'exquise princesse ! Le chien revint donc la nuit, alla la chercher, courut aussi vite que possible ... mais la vieille dame de la cour avait mis de grandes bottes et elle courait derrière lui et aussi vite. Lorsqu'elle les vit disparaître dans la grande maison, elle pensa: "Je sais maintenant où elle va " et, avec un morceau de craie, elle dessina une grande croix sur le portail. Puis elle rentra se coucher.

Le chien, en revenant avec la princesse, vit la croix sur le portail et traça des croix sur toutes les portes de la ville. Et ça, c'était très malin de sa part; ainsi la dame de la cour ne pourrait plus s'y reconnaître.
Au matin, le roi, la reine, la vieille dame et tous les officiers sortirent pour voir où la princesse avait été.
- C'est là, dit le roi dès qu'il aperçut la première porte avec une croix.
- Non, c'est ici mon cher époux, dit la reine en s'arrêtant devant la deuxième porte.
- Mais voilà une croix... en voilà une autre, dirent-ils tous, il est bien inutile de chercher davantage.
Cependant, la reine était une femme rusée, elle savait bien d'autres choses que de monter en carrosse. Elle prit ses grands ciseaux d'or et coupa en morceaux une pièce de soie, puis cousit un joli sachet qu'elle remplit de farine de sarrasin très fine. Elle attacha cette bourse sur le dos de sa fille et perça au fond un petit trou afin que la farine se répande tout le long du chemin que suivrait la princesse.
Le chien revint encore la nuit, amena la princesse sur son dos auprès du soldat qui l'aimait tant et qui aurait voulu être un prince pour l'épouser.
Mais le chien n'avait pas vu la farine répandue sur le chemin depuis le château jusqu'à la fenêtre du soldat.
Le lendemain, le roi et la reine n'eurent aucune peine à voir oùleur fille avait été.
Le soldat fut saisi et jeté dans un cachot lugubre! ... Oh! qu'il y faisait noir!

- Demain, tu seras pendu, lui dit-on. Ce n'est pas une chose agréable à entendre, d'autant plus qu'il avait oublié son briquet à l'auberge.
Derrière les barreaux de fer de sa petite fenêtre, il vit le matin suivant les gens qui se dépêchaient de sortir de la ville pour aller le voir pendre. Il entendait les roulements de tambours, les soldats défilaient au pas cadencé. Un petit,apprenti cordonnier courait à une telle allure qu'une de ses savates vola en l'air et alla frapper le mur près des barreaux au travers desquels le soldat regardait.
- Hé! ne te presse pas tant. Rien ne se passera que je ne sois arrivé. Mais si tu veux courir à l'auberge où j'habitais et me rapporter mon briquet, je te donnerai quatre sous. Mais en vitesse.
Le gamin ne demandait pas mieux que de gagner quatre sous. Il prit ses jambes à son cou, trouva le briquet...
En dehors de la ville, on avait dressé un gibet autour duquel se tenaient les soldats et des centaines de milliers de gens. Le roi, la reine étaient assis sur de superbes trônes et en face d'eux, les juges et tout le conseil.
Déjà le soldat était monté sur l'échelle, mais comme le bourreau allait lui passer la corde au cou, il demanda la permission - toujours accordée, dit-il, à un condamné à mort avant de subir sa peine - d'exprimer un désir bien innocent, celui de fumer une pipe, la dernière en ce monde.
Le roi ne voulut pas le lui refuser et le soldat se mit à battre son briquet: une fois, deux fois, trois fois! et hop! voilà les trois chiens : celui qui avait des yeux comme des soucoupes, celui qui avait des yeux comme des roues de moulin et celui qui avait des yeux grands chacun comme la "Tour Ronde" de Copenhague.
- Empêchez-moi maintenant d'être pendu! leur cria le soldat.
Alors les chiens sautèrent sur les juges -et sur tous les membres du conseil, les prirent dans leur gueule, l'un par les jambes, l'autre par le nez, les lancèrent en l'air si haut qu'en tombant, ils se brisaient en mille morceaux.
- Je ne tolérerai pas... commença le roi. Mais le plus grand chien le saisit ainsi que la reine et les lança en l'air à leur tour.
Les soldats en étaient épouvantés et la foule cria:
- Petit soldat, tu seras notre roi et tu épouseras notre délicieuse princesse.
On fit monter le soldat dans le carrosse royal et les trois chiens gambadaient devant en criant "bravo". Les jeunes gens sifflaient dans leurs doigts, les soldats présentaient les armes.
La princesse fut tirée de son château aux toits de cuivre et elle devint reine, ce qui lui plaisait beaucoup.

La noce dura huit jours, les chiens étaient à table et roulaient de très grands yeux.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Ven 02 Avr 2010, 09:56


Contes de Hans Christian ANDERSEN

 Archives de Site du jour. - Page 19 Andersen

Hans Christian Andersen (1805-1875) est un écrivain danois, qui, grâce à ses Contes pour enfants, incarne le génie populaire nordique.



Il est né à Odense le 2 avril 1805, au sein d'une famille pauvre.
Son père est cordonnier et meurt lorsqu'il a onze ans.
Il part seul à quatorze ans chercher fortune à Copenhague.
Il est tenté par le chant, le théâtre puis la danse et travaille quelque temps pour le directeur du Théâtre Royal, qui financera plus tard ses études.
Dès 1822, Andersen commence à publier ses premiers textes: un récit fantastique inspiré par E.T.A.Hoffmann, Promenade du canal de Holmen à la pointe orientale d'Amagre (1830).
Il obtient son premier succès l'année suivante avec Reflets d'un voyage dans le Harz, récit d'un voyage en Europe. Par la suite, il écrit d'autres romans souvent autobiographiques et d'inspiration romantique comme l'Improvisateur (1835),
Rien qu'un violoneux (1837) ou Être ou ne pas être (1857), mais aussi des poèmes, des pièces de théâtre (Amour sur la tour saint-Nicolai) et des récits de voyage tels que Bazar d'un poète (1842) et Visite au Portugal (1866).
On lui doit en outre plusieurs autobiographies, une correspondance volumineuse et un imposant Journal.
Entre 1832 et 1842, il publie en brochures ses premiers courts récits merveilleux, Contes pour enfants (1835), qu'il ne destine pas uniquement à un public enfantin.
Le succès immédiat l'encourage à poursuivre et à publier chaque année d'autres textes, Nouveaux Contes (1843-1848) et Nouveaux Contes et histoires (1858-1872).
Il écrit 164 contes, imprégnés de romantisme et associant le merveilleux et l'ironie. Loin d'imiter ses prédécesseurs dans le genre du conte (Perrault, Galland et Hoffmann, les frères Grimm), Andersen, dont le style est remarquable par l'utilisation habile et équilibrée d u langage courant, des idiomes et des expressions populaires, arrive à exprimer admirablement, dans une langue très simple, les émotions les plus subtiles et les idées les plus fines, passant sans difficulté de la poésie à l'ironie, de la farce au tragique. Ses contes mettent en scène des rois, des reines réels ou légendaires; des animaux, des plantes, des créatures magiques (sirènes et fées) et même des objets.
Parmi ses contes, les plus célèbres sont «le Vilain Petit Canard», «la Reine des neiges», «les Habits neufs de l'empereur», «les Cygnes sauvages» et «la Petite Sirène».
Il meurt à Copenhague le 4 août 1875.
Ses histoires, traduites en plus de quatre-vingt langues, connaissent un succès durable et inspirent des écrivains, des metteurs en scène, des réalisateurs, des chorégraphes, des sculpteurs et des peintres.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mer 31 Mar 2010, 20:30

31 mars 1889:

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow Inauguration de la Tour Eiffel.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mer 31 Mar 2010, 20:28

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow 31 mars 1596 - René Descartes :

Décédé le 11 février 1650.
Philosophe, mathématicien et physicien français.
Considéré comme le fondateur de la philosophie moderne, il apporta également sa contribution aux sciences en simplifiant l’écriture mathématique et en fondant la géométrie analytique.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mar 16 Mar 2010, 06:24

16 mars 1521:

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow Magellan découvre les Philippines.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mar 16 Mar 2010, 06:21

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow 16 mars 1839 - Sully Prudhomme :

Décédé le 6 septembre 1907.
De son vrai nom René-François Armand Prudhomme.
Poète français élu à l’Académie Française en 1881 et son œuvre, où figurent également des essais d'esthétique, de philosophie et de critique, fut couronnée par le premier Prix Nobel en 1901.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Lun 15 Mar 2010, 06:50

"C'est dur d'échouer, mais c'est pire de n'avoir jamais essayé de réussir."
[Theodore Roosevelt]
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Lun 15 Mar 2010, 06:48

15 mars 1900:

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow Sarah Bernhardt triomphe pour sa prestation dans "L'Aiglon" d'Edmond Rostand qu’elle a elle-même mise en scène.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Sam 07 Nov 2009, 06:12

7 novembre 1801:

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow Le physicien italien Alessandro Volta présente sa pile électrique à Bonaparte.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Sam 07 Nov 2009, 06:11

"Toute vérité franchit trois étapes. D'abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence."
[Arthur Schopenhauer]
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Sam 07 Nov 2009, 06:08

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow 7 novembre 1867 - Marie Curie :

Décédée le 4 juillet 1934.
De son vrai nom Marie Sklodowska.
Physicienne française d’origine polonaise, elle découvre la radioactivité du thorium, identifie avec son mari Pierre Curie le polonium en 1898, et isole le radium en 1910.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Sam 07 Nov 2009, 06:06

Un petit écolier, qui rentre de l'école, dit à son père :
- La maîtresse a lu ta lettre où tu protestais parce qu'elle m'avait donné cent lignes à faire.
- Et qu'est-ce qu'elle a dit ?
- Que tu copies deux cents fois, pour demain, le mot " salutations ", en l'écrivant, cette fois, avec un t et non pas avec deux s.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mar 27 Oct 2009, 07:36

27 octobre 1904:

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow New York inaugure sa première ligne de métro.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mar 27 Oct 2009, 07:35

"Une armure quand on en a pris l'habitude devient aussi confortable qu'une robe de chambre."
[Paul Claudel] Extrait de Journal
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mar 27 Oct 2009, 07:34

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow 27 octobre 1469 - Erasme :

Décédé le 22 juin 1536.
Humaniste hollandais d’expression latine.
Esprit indépendant et satirique, il fut un inlassable défenseur des libertés et un militant de la paix, préconisant l’entente entre catholiques et réformés.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Mar 27 Oct 2009, 07:32

Quelqu'un demande à un Américain :
- Quelles preuves avez-vous que l'Irak a des armes de destruction massive ?
L'Américain répond :
- Nous avons gardé les factures !
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Lun 26 Oct 2009, 09:10

26 octobre 1795:

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow La fin de la terreur et le début du Directoire.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Lun 26 Oct 2009, 09:09

"Les plus beaux yeux pour moi sont des yeux pleins de larmes."
[Edmond Rostand]
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Ben Lun 26 Oct 2009, 09:04

 Archives de Site du jour. - Page 19 Icon_arrow 26 octobre 1759 - Georges Jacques Danton :

Décédé le 5 avril 1794.
Avocat, fondateur du Club des Cordeliers et principal artisan de la journée du 10 août 1792.
Il fut un personnage important de la Révolution française.
Accusé par Robespierre de trahison, il fut guillotiné en 1794 à Paris avec Camille Desmoulins.
Ben
Ben
Rang: Administrateur

Nombre de messages : 6786
Age : 63
Localisation : Belgique.
Date d'inscription : 17/12/2008

Revenir en haut Aller en bas

 Archives de Site du jour. - Page 19 Empty Re: Archives de Site du jour.

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 19 sur 40 Précédent  1 ... 11 ... 18, 19, 20 ... 29 ... 40  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum